Gilles Duceppe juge «stupides» et «aberrantes» les déclarations du candidat conservateur Larry Smith, qui appelle les Québécois à voter du «bon bord» pour être favorisés dans le prochain gouvernement.

Hier, M. Smith, ex-sénateur et candidat dans Lac-Saint-Louis, avouait candidement qu'un futur gouvernement conservateur ne serait pas équitable envers tous les Canadiens. Si les conservateurs gagnent les élections, ils favoriseront les citoyens des comtés qu'ils détiennent, a-t-il annoncé.

«Si vous regardez l'ensemble du pays, les régions où les conservateurs ont une forte représentation, beaucoup de projets y ont été effectués», observait-il.

Pour justifier son aveu, il plaidait le réalisme. Il estime «normal» qu'un gouvernement se «concentre sur les zones qui (le) supportent». «Cela fait partie de la vie politique», a-t-il soutenu.

«C'est un retour à la politique sous Duplessis, a réagi M. Duceppe ce matin en point de presse à Saguenay. C'est comme lorsqu'on disait: je vous donne un frigidaire si vous votez pour moi.»

Il a rappelé les déclarations controversés de M. Smith sur le français.

Duceppe défend les conservateurs contre eux-mêmes

Curieusement, dans cette série de déclarations, les conservateurs ont eux-mêmes avoué qu'ils ne seraient pas équitables envers toutes les régions, et c'est Gilles Duceppe qui les a défendus malgré lui.

Depuis le début de la campagne, le Bloc essaie de désamorcer cet argument conservateur, selon lequel les Québécois doivent être représentés au gouvernement pour être avantagés.

M. Duceppe a calculé que depuis l'arrivée au pouvoir de M. Harper, Montréal et Québec ont reçu les mêmes investissements per capita - près d'un milliard pour Québec et environ trois milliards pour Montréal.

Pourtant, les conservateurs n'ont jamais élu un député sur l'île de Montréal, alors qu'ils comptent trois de sept députés de la région de Québec, en plus d'André Arthur, un indépendant très proche des conservateurs.

Mais M. Duceppe fait une distinction entre les programmes réguliers et les mesures spéciales. Dans ce dernier cas, selon lui, le Québec serait désavantagé face au reste du pays, peu importe que la région soit ou non représentée par un conservateur ou un libéral.

Il a répété plusieurs exemples ce matin, comme l'industrie forestière qui a reçu une aide de 60 millions durant la crise économique, contrairement aux 10 milliards prêtés à l'industrie automobile en Ontario, ou le prêt pour 4,2 des 6,2 milliards du projet de câbles sous-marins pour que Terre-Neuve exporte son électricité ailleurs dans les Maritimes et aux États-Unis.

Pas de rappel à l'ordre

De son côté, le chef conservateur n'a pas donné complètement tort à son candidat vedette, lors d'un point de presse à Mississauga, ce matin. Et comme il l'avait fait lors de la dernière controverse impliquant M. Smith, il a pris soin de ne pas le rappeler à l'ordre publiquement.

«Ça aide toujours pour une région d'avoir son propre député au pouvoir, qui peut travailler avec nous pour mieux identifier des projets dans sa circonscription», a souligné Stephen Harper.

«Nous avons un bon bilan pour livrer des programmes à travers le Québec et à travers le Canada, dans des circonscriptions conservatrices et dans des circonscriptions non conservatrices», a-t-il cependant ajouté.

Lors d'une entrevue avec La Presse en février, le lieutenant du Québec de Stephen Harper, Christian Paradis, avait tenu des propos semblables à ceux Larry Smith: «Je suis un gars des régions. Trop longtemps, j'ai vu dans ma circonscription un député bloquiste qui ne veut pas que le Canada marche. Il n'y avait tout simplement pas de porte d'entrée au gouvernement fédéral. Et c'est très frustrant», a-t-il dit.

«Quand les promoteurs arrivent, qu'ils ont des projets et qu'ils veulent avoir un joueur important qui est le gouvernement fédéral, il n'y a pratiquement pas de porte d'entrée, il n'y a aucun bénéfice tangible qui peut être apporté. Sauf que, lorsqu'on arrive au Parti conservateur, ça fait partie de nos valeurs de base d'être connecté sur les régions, de tenir compte des particularités des régions et de livrer la marchandise, d'arrimer nos politiques dans ce sens-là», a-t-il ajouté.

«Je me fais toujours le porte-parole ou la courroie de transmission du gouvernement fédéral dans ma circonscription, et c'est vrai pour tous mes collègues. Et ça, c'est la grosse, grosse différence.»

À l'époque, l'entourage de M. Paradis avait justifié ses paroles de la même manière que Stephen Harper. Les porte-parole du premier ministre avaient pour leur part refusé de commenter ses propos.

- Avec Hugo de Grandpré (à Mississauga)