C'était tellement cocasse, cela semblait arrangé avec le gars des vues.

Après avoir passé deux jours à arpenter des circonscriptions conservatrices en Ontario, deux jours à crier sur tous les toits qu'il faut voter NPD pour chasser les conservateurs, voilà l'autocar de campagne de Jack Layton stationné littéralement à quelques centaines de mètres de celui de Stephen Harper. Un peu plus, et le bleu et l'orange entrait en collision frontale.

Cette scène s'est déroulée mercredi midi, dans un parc industriel de Brampton, située à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Toronto.

En sortant de sa camionnette (M. Layton, en convalescence après une opération à la hanche, préfère voyager là-dedans plutôt que dans un gros autocar), les reporters l'ont taquiné à propos de la proximité de M. Harper.

Quelques mots de circonstance, à la blague, mais en réalité, Jack Layton n'avait pas tellement envie de rigoler. Et encore moins de fanfaronner.

Au moment où il entrait dans cette usine de MDA, berceau du bras canadien, il a appris que l'un de ses candidats ontariens quittait le navire et se rangeait derrière les libéraux, convaincu que le NPD ne va nulle part.

Coup dur. Mais Jack Layton a joué le jeu. Il a fait la visite de l'usine, il a joué avec les robots et les mains artificielles téléguidées inventées par MDA.

M. Layton voulait continuer de marteler son message et parler de création d'emplois dans ce petit Silicone Valley ontarien, mais la défection de son candidat de London-Middlesex a pris presque toute la place du point de presse.

Presque toute la place, parce qu'une autre mauvaise nouvelle s'est imposée ce matin-là: de l'autre côté de la rue, Stephen Harper venait de dire qu'il souhaitait un duel télévisé avec Michael Ignatieff, pas les deux autres, reléguant Jack Layton et le NPD au rôle de figurants dans cette campagne. Le comble.

Voilà qui résume bien le sort du NPD: à la tête d'un parti national, sans réelle chance de prendre le pouvoir, Jack Layton recueille, parmi une frange de la population, la sympathie accordée à un chef qui n'est pas vraiment dangereux et, des autres partis, le mépris et la condescendance associés à son statut de quatrième formation aux Communes.

Pour faire entendre sa voix dans ce «débat sur le débat», M. Layton a dû s'interposer dans l'échange de MM. Harper et Ignatieff sur Twitter.

Une version 2.0 du fameux «Moi aussi, j'existe!», lancé par Jacques Parizeau lorsqu'il était dans l'opposition, à Québec.