Le chef néo-démocrate Jack Layton a lancé sa campagne québécoise avec un coup d'éclat, jeudi à Montréal, tout en donnant l'impression qu'il cherche à éviter d'attaquer le Bloc québécois sur son terrain.

M. Layton a profité de son passage dans la métropole pour présenter un candidat-vedette qui lui donne une réelle chance d'obtenir un deuxième siège au Québec.

Il s'agit du leader cri Roméo Saganash, qui défendra les couleurs du NPD dans la circonscription d'Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou.

M. Saganash a indiqué avoir accepté l'invitation du Nouveau Parti démocratique en raison de ses politiques sociales et environnementales.

«C'est un parti avec lequel je suis extrêmement confortable dans leurs positions d'une part et, d'autre part, l'invitation personnelle et amicale de Jack (Layton) m'a convaincu, finalement», a-t-il dit.

Roméo Saganash a été l'un des porte-parole les plus en vue de la nation crie, notamment durant la bataille contre le projet hydroélectrique Grande-Baleine et lors des négociations constitutionnelles du Lac Meech et de Charlottetown.

M. Saganash, qui possède un baccalauréat en droit, a été un des adjoints de Matthew Coon-Come, ancien chef de l'Assemblée des Premières Nations.

Il a souvent été le visage des Cris au Québec, étant originaire de Waswanipi, la seule communauté de cette nation autochtone où les habitants parlent le français en plus de la langue crie. Son recrutement représente un coup fumant que plusieurs autres formations ont tenté dans le passé.

«À toutes les élections, que ce soit au niveau fédéral ou provincial, tous les partis m'invitent... sauf les conservateurs, a lancé en riant Roméo Saganash. Ne me demandez pas pourquoi, je ne le sais pas!»

La circonscription nordique où il briguera les suffrages compte quelque 10 000 cris sur les 58 000 électeurs qui l'habitent. Le NPD avait toutefois obtenu une quatrième place lors de l'élection de 2008, avec 17 000 voix de retard sur le bloquiste Yvon Lévesque.

L'annonce est d'autant plus surprenante que le leader cri n'a jamais caché ses sympathies envers le mouvement souverainiste, mais il estime que son engagement avec le NPD n'est pas contradictoire.

«Les amis que j'ai au Bloc vont rester mes amis, comme mes amis au Parti québécois vont rester mes amis, a expliqué M. Saganash. Mes positions par rapport au Québec ne changeront pas non plus. J'ai toujours dit que les Québécois ont le droit de déterminer leur propre avenir politique et ça, ça demeure comme position pour moi.»

Pour sa part, Jack Layton était d'un optimisme débordant en présentant son candidat.

«Tout le monde m'a dit que c'est impossible pour le NPD de gagner dans une élection au Québec. On a gagné dans une partielle (avec l'élection de Thomas Mulcair dans Outremont). On m'a dit: «M. Layton, c'est seulement une partielle, vous ne pouvez pas gagner dans une élection générale'. Mais on a prouvé le contraire (avec la réélection de M. Mulcair) et on va continuer de prouver le contraire.»

Jack Layton a fait porter le gros de ses attaques contre les conservateurs et Stephen Harper, mais n'a pas ménagé pour autant les libéraux et, surtout, leur chef.

«Nous savons tous que Michael Ignatieff n'est pas l'homme de la situation. En deux ans, il n'a rien fait pour le Québec. (...) C'est pourquoi les Québécois, et même les libéraux, ne veulent pas de lui comme premier ministre», a-t-il laissé tomber.

Il a cependant soigneusement évité d'attaquer directement le Bloc, ne mentionnant en aucun moment le nom du parti ou de son chef et se limitant à des références vagues dans lesquelles il fallait débusquer l'allusion à l'adversaire souverainiste.

«Aujourd'hui, je me présente devant les Québécois pour leur demander de travailler avec moi, non pas pour enlever quelques sièges aux conservateurs, mais pour remplacer Stephen Harper comme premier ministre. Pour faire résonner la seule voix progressiste du Québec à Ottawa, pas dans l'opposition, mais au pouvoir. Pas juste pour défendre vos intérêts, mais pour les faire avancer au sein d'un conseil des ministres du NPD», a-t-il lancé.

Même en cherchant à recruter les électeurs progressistes, M. Layton est demeuré d'une prudence de Sioux, en laissant entendre que, malgré leur rejet majoritaire de la philosophie conservatrice, les Québécois n'avaient pas réussi à bloquer le chemin du pouvoir aux troupes de Stephen Harper.

«Je sais que la grande majorité des Québécois sont en désaccord avec les politiques conservatrices de Stephen Harper, a soutenu M. Layton. Et même si la plupart des Québécois ont voté deux fois contre les idées dépassées des conservateurs, il est toujours premier ministre, et nous payons encore des milliards en subventions aux grands pollueurs.»

Cette dernière référence s'inscrivait dans le message du jour de M. Layton, qui a promis d'abolir les subventions aux entreprises pétrolières et de réorienter ces fonds vers la recherche et le développement d'énergies propres.