Stephen Harper a encore une fois lundi refusé de reconnaître les torts que lui attribuent ses adversaires à la suite de la motion d'outrage au Parlement qui a entraîné la chute de son gouvernement.

«Le seul outrage dans cette élection est l'idée que l'opposition, que M. Ignatieff, peut perdre l'élection et former un gouvernement sans un mandat électoral, avec l'appui du NPD et du Bloc québécois», a-t-il insisté lors de sa tournée dans l'Ouest canadien.

«C'est ça, la seule question de la démocratie dans ces élections.»

L'épouvantail d'une coalition «illégitime» entre le Parti libéral, le Bloc québécois et le NPD est brandi par le chef conservateur depuis le début de la campagne.

M. Harper présente cette coalition comme étant dangereuse pour la reprise économique, étant donné qu'elle ne pourra s'entendre que sur l'augmentation des dépenses et des impôts, dit-il.

À l'inverse, il décrit sa formation comme étant la seule capable de donner au Canada le gouvernement dont l'économie a besoin.

Résultat : ce thème est omniprésent depuis le début de la campagne, au point d'avoir évacué ceux de l'outrage et du déficit démocratique, desquels ses adversaires auraient sans doute préféré débattre.

Le gouvernement Harper est le premier gouvernement de l'histoire canadienne à avoir été renversé sur une telle motion d'outrage au Parlement. À la suite d'une décision du président de la Chambre des communes, Peter Milliken, les députés en sont arrivés à cette conclusion, vu le refus du gouvernement de fournir le coût total de plusieurs de ses politiques.

Or, M. Harper a décrit l'événement comme des simples «manoeuvres du Parlement», au moment de déclencher la campagne électorale, samedi chez le gouverneur général.

«Ce n'est pas la substance de ces élections où ce dont le public canadien se soucie», a-t-il tranché.

Il a réitéré cette affirmation, lundi. «La question importante de ces élections pour les Canadiens est l'économie et en qui peut-on avoir confiance pour compléter la relance économique», a-t-il précisé.

«Je pense que c'est la vraie question.»

La riposte de ses adversaires l'a néanmoins placé sur la défensive depuis deux jours. Ils lui ont demandé d'expliquer pourquoi il avait demandé à la gouverneure générale en 2004 de considérer «toutes ses options» si le premier ministre de l'époque, Paul Martin, lui avait demandé de dissoudre le Parlement.

Les chefs du NPD et du Bloc québécois affirment que l'idée était bel et bien de donner le pouvoir à M. Harper, alors chef de l'opposition, et qu'une coalition faisait partie des plans ou était à tout le moins implicite.

«Nous aurions dit à la gouverneure générale que nous ne cherchions pas à défaire le gouvernement. Tout ce que M. Martin devait faire était de s'asseoir et de nous parler», a toutefois expliqué Stephen Harper hier.

Comme il le fait depuis trois jours, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, a encore une fois accusé son homologue conservateur de déformer la vérité.

«C'est une explication broche à fois», a-t-il dénoncé.

«Il est encore en contradiction. Je pense qu'il est en train de s'enfarger dans ses mensonges, et on ne peut pas accepter cela.»

Le désaccord n'a pas empêché le chef conservateur de marteler le même thème quelques heures plus tard, lors d'un discours prononcé devant ses partisans réunis dans une circonscription voisine de celle d'Edmonton-Strathcona, la seule circonscription de toute l'Alberta à être représentée par un autre parti que le sien à Ottawa.

Il a encore une fois accusé le chef du Parti libéral d'avoir tenté de cacher la vérité en émettant une déclaration ambiguë, le jour un de la campagne, dans laquelle il promettait de ne pas former de coalition. «Il y a dû avoir au moins 100 avocats qui ont travaillé là-dessus», lancé M. Harper.

Reprenant une formule qu'il utilise dans chacun de ses discours depuis le début de la campagne, il a ensuite eu recours aux craintes que la situation mondiale peut soulever pour convaincre son auditoire.

«Oui, le Canada va relativement bien, a dit M. Harper. Mais une mer d'ennuis lèche nos côtes. Désastre dans le Pacifique. Chaos au Moyen-Orient. Problèmes de dettes en Europe. Toutes sortes de défis sérieux au sud de la frontière...

«Le Canada, ce pays, est ce que le monde a le plus proche d'un îlot de stabilité et de sécurité», a-t-il conclu.

«Qu'est-ce que le monde penserait si le Canada s'orientait soudainement vers un modèle de taxation plus élevé, dirigé par une coalition téméraire, sans programme cohérent ni principes nationaux de base?» a-t-il demandé à la foule manifestant son mécontentement.

«C'est pourquoi le Canada a besoin d'un gouvernement fort, stable, majoritaire et conservateur.»