C'est le jour J. Les Canadiens se rendent aux urnes aujourd'hui. Parmi les 308 circonscriptions du pays, certaines luttes s'annoncent chaudes. Il faudra en surveiller de près une trentaine. Survol des principales batailles au Québec.

AHUNTSIC : La bloquiste Maria Mourani tente de garder la circonscription qu'elle a arrachée par moins de 1000 de voix à la libérale Eleni Bakopanos en 2006. Deux ans plus tôt, une lutte extrêmement chaude entre les deux politiciennes s'était soldée par une courte victoire de Mme Bakopanos. La candidate libérale, d'origine grecque, a récemment eu un coup de main de Bob Rae et peut compter sur une imposante équipe de bénévoles. Mais Mme Mourani, criminologue née au Liban, semble jouir d'une notoriété plus forte que jamais en raison de la publication de son livre sur les gangs de rue et son passage à Tout le monde en parle. Le vote des membres des minorités visibles, qui comptent pour 20 % des électeurs dans la circonscription, peut jouer un rôle important.

JEANNE-LE BER : Malgré une nomination marquée par une assemblée d'investiture houleuse, le candidat libéral Christian Feuillette récoltait 28 % des intentions de vote à mi-campagne, contre 33 % pour Thierry St-Cyr, le député bloquiste sortant (sondage Segma-La Presse, après répartition des indécis). Depuis sa création en 2004, l'ancienne circonscription de Liza Frulla, qui englobe autant la riche Île-des-Soeurs que le modeste quartier Saint-Henri, a toujours donné de faibles majorités à ses députés. Avec 18 % des intentions de vote, le candidat néo-démocrate, Daniel Breton, très connu dans les milieux environnementalistes, pourrait grappiller des votes les deux partis.

OUTREMONT : Élu en 2007 dans le cadre d'un élection partielle, le lieutenant de Jack Layton au Québec, Thomas Mulcair, n'a pas cessé de faire campagne dans ce fief libéral. La greffe semble tenir. L'ex-ministre provincial de l'Environnement, qu'on voit très régulièrement défendre le NPD au petit écran, y obtenait 37 % des intentions de vote à mi-campagne, contre 27 % pour le comédien Sébastien Dhavernas, désigné par le Parti libéral une semaine après le déclenchement des élections (Segma-La Presse, après répartition des indécis).



PAPINEAU : Dans les bunkers du Parti libéral et du Bloc, tous les yeux seront rivés sur la bataille Trudeau-Barbot. Justin Trudeau, fils de l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, n'est ni plus ni moins qu'une star politique malgré son inexpérience. Il mène sa campagne dans la circonscription depuis plus d'un an, courtisant largement les minorités culturelles. Vivian Barbot, la députée bloquiste sortante d'origine haïtienne, reste malgré tout très populaire. À mi-campagne, les intentions de vote étaient de 40 % pour M. Trudeau et de 34 % pour Mme Barbot (sondage Segma-La Presse, après répartition des indécis).



SAINT-LAMBERT : Depuis l'arrivée du comédien Maka Kotto en 2004, le Bloc a toujours obtenu de confortables avances dans cette circonscription de la Rive-Sud. Mais Saint-Lambert n'est pas nécessairement peinte en bleu : la libérale Yolande Thibeault y a régné pendant deux mandats. Soulignons que le départ subit du populaire député d'origine camerounaise pour la scène provinciale a forcé le déclenchement d'une élection partielle le 25 juillet. L'essoufflement des bénévoles après deux mois et demi de campagne pourrait jouer lorsque viendra le temps de stimuler le vote.



RIVIÈRE-DES-MILLE-ÎLES : En poste depuis 1997, le bloquiste Gilles A. Perron, fort d'une majorité de 16 000 voix en 2006, a décidé de tirer sa révérence. La lutte s'annonce serrée entre son successeur, Luc Desnoyers, un ancien leader syndical des TCA, et le populaire maire de Saint-Eustache, Gilles Carignan, qui se présente pour les conservateurs. Lui-même reconnaît que le vote bloquiste jouit d'une forte base dans cette circonscription située au nord de Laval.



VAUDREUIL-SOULANGES : Le ministre responsable de la région de Montréal, Michael Fortier, joue sa carrière politique dans cette circonscription située à l'ouest de l'île. Il a démissionné de son poste de sénateur lorsque les élections ont été déclenchées. Mais, même s'il a ouvert il y a plus d'un an deux bureaux dans la circonscription et qu'il agit comme un député local, rien n'est gagné pour M. Fortier. La bloquiste Meili Faille, qui a résisté au libéral Marc Garneau en 2006, obtenait 49 % des intentions de vote à mi-campagne, contre seulement 21 % pour le conservateur (Segma-La Presse, après répartition des indécis). Les appels au vote stratégique en faveur de M. Fortier lancés la semaine dernière par le ministre provincial du développement économique, Raymond Bachand, et par Gilbert Rozon suffiront-ils à faire gonfler le vote conservateur ?

CHARLESBOURG-HAUTE-SAINT-CHARLES : Victorieux par 1500 voix en 2006, le conservateur Daniel Petit tente de rééditer cet exploit. Le député sortant, membre du Comité permanent de la justice, s'est cependant attiré les mauvaises critiques en liant les émeutes de Montréal-Nord à la présence forte du Bloc québécois à Ottawa. « Les lois qu'on tente de faire, pour quelque raison que ce soit, (pour le Bloc) c'est niet ! Alors, les problèmes qu'ils ont à Montréal-Nord, on devrait peut-être se poser des questions », a-t-il déclaré au Soleil. Le candidat bloquiste, Denis Courteau, affirme à qui veut l'entendre que son adversaire conservateur est absent. Narquois, il a même lancé un avis de recherche pour le retrouver.



BEAUPORT-LIMOILOU : La députée conservatrice sortante Sylvie Boucher avait emporté la circonscription par moins de 1000 voix en 2006, contre le bloquiste Christian Simard. Celle qui tente maintenant de ramener la circonscriptions entre les mains du Bloc, Éléonore Mainguy, connue pour son livre Les jeux sont faits : confessions d'une ex-croupière, s'est toutefois mise dans l'embarras en laissant faussement croire sur son C.V. qu'elle est conseillère pédagogique à la Téluq et qu'elle détient un baccalauréat en science politique.



LOUIS-HÉBERT : La lutte est loin d'être gagnée pour le député conservateur sortant, Luc Harvey, qui a obtenu son siège par seulement 231 voix en 2006. Un sondage Segma-Le Soleil lui donnait 35 % des intentions de vote à mi-campagne, contre 32 % pour le candidat du Bloc, Pascal-Pierre Paillé, âgé de 30 ans. Mais la donne a depuis complètement changé. Le Bloc récoltait la semaine dernière 41 % des appuis, contre 27 % pour le Parti conservateur. Les doutes exprimés par M. Harvey sur la nécessité de reconstruire le Manège militaire, incendié en avril, ont généré beaucoup de critiques à son égard.

GATINEAU : Le NPD a souvent répété en début de campagne que sa candidate Françoise Boivin est en bonne position pour effectuer une percée dans la circonscription de Gatineau. Députée libérale de 2004 à 2006, Mme Boivin récoltait cependant seulement 21 % des intentions de vote à mi-campagne, contre 32 % pour le député bloquiste sortant Richard Nadeau. Le NPD se trouve en fait à égalité avec le candidat conservateur Denis Tassé et le libéral Michel Simard, qui attiraient respectivement 22 et 21 % des intentions de vote dans le sondage CROP-Le Droit effectué du 23 au 27 septembre.

HULL-AYLMER : Le député Marcel Proulx tient bon depuis 1999 dans ce château fort libéral. Mais sa marge de manoeuvre s'était considérablement amenuisée lors des dernières élections, le Bloc terminant en arrière de 2000 voix. La montée des conservateurs semblait compliquer l'équation cette fois-ci. Le candidat bleu, Paul Fréchette, mène cependant une campagne beaucoup plus discrète depuis qu'il a promis qu'un gouvernement conservateur encadrerait davantage la sécurité des aliments contre Al-Qaeda et le terrorisme.

DRUMMOND : Le départ de la députée du Bloc Pauline Picard, après 15 ans de loyaux services, ouvre la porte à une possible percée conservatrice dans cette circonscription, qui a voté pour l'ADQ aux dernières élections provinciales. Le candidat conservateur, André Komlosy, un avocat, obtient notamment l'appui de la mairesse de Drummondville, Francine Ruest, qui est sa belle-mère. Les libéraux semblent avoir déjà jeté l'éponge : une visite de Denis Coderre pour appuyer le candidat local, Jean Courchesne, a été annulée à la dernière minute la semaine dernière.

SHERBROOKE : André Bachand, député progressiste-conservateur de la circonscription voisine de Richmond-Arthabaska de 1997 à 2003, tente d'arracher sous la bannière conservatrice le fief du député bloquiste Serge Cardin. Cet ami personnel du premier ministre Jean Charest compte notamment sur l'appui de son frère, Philippe, maire d'Asbestos. Les déclarations passées de M. Bachand, qui avait dit de Stephen Harper, lors de la fusion entre le Reform Party et le PPC, qu'il a le charisme d'une table à pique-nique, sont venus le hanter pendant la campagne.

BROME-MISSISQUOI : Le libéral Denis Paradis, victime collatérale du scandale des commandites lors des dernières élections, tente de reprendre la circonscription qu'il a perdue aux mains du bloquiste Christian Ouellet par quelque 5000 voix. Fort d'une machine bien huilée, l'ancien ministre d'État aux Institutions financières compte notamment sur la collaboration de son frère, Pierre Paradis, député provincial de la même circonscription. Un sondage Décima publié en fin de campagne lui accorde 31 % des intentions de vote, contre 43 % pour M. Ouellet (après répartition des indécis).

JONQUIÈRE-ALMA : Le ministre du Travail, Jean-Pierre Blackburn, a candidement reconnu que le premier de deux sondages GPS-Le Quotidien, qui le plaçait à mi-campagne 12 points derrière la candidate du Bloc, Chantale Bouchard, l'a secoué. Fini les coups de pouce en région pour lui. M. Blackburn a mené la deuxième partie de sa campagne uniquement dans la circonscription, sur le terrain. Mais ses efforts risquent d'être insuffisants. La jeune avocate de 28 ans, qui en est à sa première expérience politique, le devançait par 13 points dans les intentions de vote la semaine dernière (53 % contre 40 %, après répartition des indécis).

ROBERVAL-LAC-SAINT-JEAN : Le conservateur Denis Lebel avait obtenu un solide résultat de 59,7 % des voix lors des élections complémentaires de septembre 2007. Mais une élection complémentaire n'est pas des élections générales. À mi-campagne, M. Lebel obtenait 38 % des intentions de vote. Mais un nouveau sondage GPS-Le Quotidien démontre que son avance a littéralement fondu au profit du candidat du Bloc, Claude Pilote. Celui-ci obtient 36 % des intentions de vote, contre 34 % pour M. Lebel (après répartition des indécis).