Un candidat de Laval identifié par le Parti conservateur comme étant susceptible de devenir ministre s'il est élu mardi a été condamné en 2005 à payer près de 30 000 $ pour avoir caché la situation financière désastreuse de sa compagnie et fait des transactions douteuses pour tenter de se tirer personnellement d'affaire avant qu'elle ne fasse faillite.

Le candidat dans Laval-les-Îles, Agop Everklian - qui est même membre du Parti libéral du Canada, selon ce qu'a appris La Presse -, a été identifié par des sources conservatrices cette semaine comme étant l'un des quelque six nouveaux candidats jugés « ministrables », parmi l'équipe que le parti de Stephen Harper a mis sur pied au Québec dans l'espoir de gagner les présentes élections.

Or, selon un jugement de la chambre civile de la Cour du Québec rendu le 18 octobre 2005, M. Everklian a abusé d'une partenaire d'affaires en signant deux chèques qu'il savait être sans fonds au moment où sa compagnie se dirigeait tout droit vers la faillite.

Ancien propriétaire d'un concessionnaire Kia, le candidat conservateur a acheté en avril 2004 une voiture d'un autre concessionnaire pour la revendre à un client, une pratique courante dans le domaine, a écrit le juge Georges Massol. Le premier chèque de 29 632 $ qu'il a fait à Kia Gabriel a été retourné avec une mention sans fonds. Le second chèque, au même montant, a aussi été retourné, mais cette fois avec la mention « compte fermé ».

Le juge Massol n'a pas mâché ses mots pour condamner les actions de M. Everklian.

«Le défendeur savait qu'il avait pour plus de deux millions de dollars de dettes lorsqu'il a contracté avec la demanderesse, a-t-il écrit dans un court jugement de six pages. Il savait que le premier chèque ne pouvait être encaissé. Il le savait encore davantage pour le deuxième, puisque le compte était fermé. Le défendeur a abusé de la défenderesse.»

Le magistrat a noté que d'autres manoeuvres du même genre avaient été faites dans les semaines qui ont précédé la faillite de sa compagnie, Kia Montréal, en juillet 2004.

«Dans les semaines qui ont précédé et suivi la transaction litigieuse, le défendeur s'est empressé de faire un certain nombre d'arrangements, en vitesse, afin de limiter sa responsabilité personnelle ainsi que celle des membres de sa famille», dit le jugement.

Il a été condamné à rembourser la valeur du chèque.

Agop Everkian travaillait comme adjoint de circonscription pour la députée libérale de Laval-les-Îles, Raymonde Folco, jusqu'à l'an dernier. Il ensuite décidé de changer de parti, et de se présenter contre son ancienne patronne dans l'espoir de donner un siège aux conservateurs dans la couronne nord de Montréal.

M. Everkian a auparavant été chef de cabinet de l'ancienne ministre de l'Immigration, Judy Sgro, et de l'ancien ministre du Patrimoine canadien, Michel Dupuy.

Par ailleurs, un récent sondage CROP La Presse lui donne très peu de chances de l'emporter aux urnes : il se classe troisième dans les intentions de vote des électeurs de la circonscription, avec seulement 16 % des appuis, contre 43 % pour Raymonde Folco et 21 % pour Mohamedali Jetha, du Bloc québécois.

M. Everkian a déclaré à La Presse en fin de journée dimanche que le parti était au courant de la décision de la Cour du Québec avant d'accepter sa candidature. Il a dit qu'elle n'affectait pas sa capacité d'être élu et de faire un bon ministre. «Je n'ai simplement pas pensé» à annuler la carte de membre au Parti libéral, a-t-il ajouté. «De toute manière, c'était public que j'avais quitté ce parti-là.»

«Je n'ai jamais fait de faillite personnelle», a-t-il également précisé.

Le Parti conservateur a reconnu qu'il avait été mis au courant de la décision de la Cour avant les élections. «C'est un différent commercial. À la suite du jugement de la Cour, il a fait face à ses responsabilités. En temps qu'ancien administrateur il a acquitté les sommes qui étaient demandées dans leur totalité», a déclaré un porte-parole du parti, Frédéric Baril.

M. Baril n'a pas voulu commenter le fait que le candidat conservateur de Laval-les-Îles est toujours membre du Parti libéral.