Les enfants ayant fréquenté les maternelles 4 ans présentent un taux de vulnérabilité nettement plus grand dans au moins un des cinq domaines du développement de l'enfant, selon une étude de l'Institut de la statistique du Québec (ISQ), parue jeudi dernier.

Les enfants sortis d'un programme à temps plein de maternelle 4 ans sont plus nombreux à être dans une situation de vulnérabilité de développement que l'ensemble des élèves québécois à leur arrivée au primaire. Tandis que 40 % des élèves ayant fréquenté ce type de programme préscolaire à temps plein le quittent avec une vulnérabilité de développement, la moyenne québécoise est estimée à 27,7 %.

Selon l'étude, la fréquentation d'un milieu préscolaire ou d'un service de garde modifierait la vulnérabilité des enfants. Les laissés-pour-compte n'ayant fréquenté ni les services de garde ni un programme préscolaire public restent la population la plus fragile.

La situation financière et sociale généralement précaire des enfants admis à la maternelle 4 ans pourrait jouer pour beaucoup, mais le programme semble tarder à faire ses preuves. 

Après un passage d'un an à temps plein dans une des 188 classes alors en place, deux enfants sur cinq ont fait leur entrée à la maternelle 5 ans en présentant une vulnérabilité dans un des domaines du développement. Ce chiffre chute à 32 % pour ceux présents à temps partiel. Pour les enfants n'ayant participé à aucun programme public préscolaire, ou ayant opté pour un service de garde, ce taux tombe à 28 %.

« Ça en dit beaucoup sur la qualité des programmes, ça ne suffit pas d'ouvrir des maternelles 4 ans sans avoir un soutien rigoureux de ces enseignants », affirme Christa Japel, spécialiste en enseignement préscolaire et professeure à la faculté d'éducation de l'UQAM. Pour elle, il ne suffit pas d'ouvrir et de généraliser le système des maternelles 4 ans, il faut trouver un modèle de soutien qui encadre bien les enfants.

Les interactions avant tout

« Ce n'est pas tout de fréquenter un milieu préscolaire, c'est avant tout ce qui se passe entre l'enseignante et l'enfant qui compte », affirme Caroline Bouchard, psychologue spécialisée en développement de l'enfant.

C'est principalement la formation du corps enseignant présent dans les classes de tout-petits qui inquiète Mme Bouchard, professeure titulaire à l'Université Laval, et sa collègue de l'UQAM, Mme Japel.

« On pourrait avoir 100 livres dans une classe, mais si on ne fait pas la lecture aux enfants et on ne sait pas comment les faire discuter... »

- Caroline Bouchard, psychologue spécialisée en développement de l'enfant

Le programme de maternelle 4 ans a été implanté en 2013 dans les milieux les plus défavorisés. Il encadre des enfants présentant déjà des facteurs de risque développemental.

Une question de milieu familial

La cause majeure de vulnérabilité d'un enfant demeure corrélée à son milieu. Autant dans la précédente étude, réalisée en 2012, qu'au regard des résultats de 2017, les enfants défavorisés sont les plus vulnérables numériquement et le sont dans un plus grand nombre de domaines du développement, explique Micha Simard, chargée de projet pour cette étude à l'ISQ.

« C'est bien connu que le développement global de l'enfant est influencé principalement par la défavorisation sociale et économique du milieu, des facteurs comme l'éducation des parents sont toujours à prendre en compte », affirme Anne Gallagher, professeure agrégée à l'Université de Montréal et chercheuse au CHU Sainte-Justine en neuropsychologie. La famille reste le premier facteur déterminant, affirment unanimement les expertes contactées.

En région

Le portrait statistique des régions présente quelques particularités. C'est le cas de l'Outaouais, où l'on trouve un nombre plus élevé d'enfants vulnérables pour les domaines du développement. En Estrie et dans la région de Laval, le taux d'enfants étant considérés comme vulnérables est également plus marqué dans le domaine des communications ainsi que dans celui de la santé et du bien-être. La région de Chaudière-Appalaches présente pour sa part une proportion moins grande d'enfants vulnérables.

Encore une fois, le revenu serait en cause. L'Outaouais est la région du Québec présentant le plus haut taux de familles à faible revenu, à l'exception du Nord-du-Québec. À l'opposé, Chaudière-Appalaches présente la moins grande proportion de familles à faible revenu.

Sexe et âge

Outre la situation économique, l'âge ainsi que le sexe ont une influence sur la vulnérabilité des enfants : 35 % des garçons seraient vulnérables dans au moins un domaine du développement, alors que cette situation ne toucherait que 20 % des filles. Les enfants entrés à la maternelle plus tôt présenteraient également plus de risques de vulnérabilité. Des données qui ne semblent pas surprendre les chercheuses contactées et qui doivent être interprétées avec prudence.

La petite enfance : déterminante

L'enquête sur le développement des enfants à la maternelle note qu'entre 2012 et 2017, il y a eu une augmentation d'un peu plus de 2 % du nombre d'enfants âgés de 5 à 6 ans susceptibles de présenter des difficultés de développement. Une croissance à laquelle l'étude ne trouve pas de cause précise.

Le développement des enfants d'âge préscolaire reste crucial pour la réussite future, martèle Mme Japel. Elle réitère sa foi en la bonne volonté de l'ensemble des personnes engagées auprès des jeunes, mais considère que les conclusions de l'étude pourraient s'expliquer par des lacunes en petite enfance en termes de services aux enfants et aux parents.

« On sait ce qui fonctionne pour les enfants, on pourrait même arrêter de faire des études, mais c'est difficile de le traduire en pratique d'enseignante », dit la psychologue Caroline Bouchard.

Le programme passe-partout

Selon l'étude, les enfants ayant fréquenté le programme Passe-partout seraient 5 % moins nombreux à afficher une vulnérabilité dans un des domaines du développement. Ce programme vise à impliquer les parents dans la réussite scolaire et à aider le passage vers l'école primaire des enfants. Pendant une année scolaire, quelques réunions parents-enfant ont lieu, ainsi que 25 rencontres d'animation et de stimulation avec le groupe d'enfants de 4 ans.