Québec annonce la création de 2000 nouvelles places en services de garde et débloque finalement les fonds pour l'ajout de 3800 autres places dont le développement avait été bloqué pour des raisons financières.

«Aujourd'hui, on peut dire qu'on a complété une certaine phase de rattrapage et qu'on entre dans une phase de consolidation de notre réseau des services de garde», a affirmé le ministre de la Famille, Luc Fortin, en procédant à l'annonce, mardi, dans un service de garde en milieu de travail à Montréal.

Le ministre Fortin a admis en faisant l'annonce que les fonds étaient déjà disponibles dans le budget de son ministère et qu'aucune nouvelle enveloppe n'était requise pour y arriver.

«Ça fait partie de notre budget de fonctionnement. On facilite la réalisation de 3800 places et on en crée 2000, mais ça ne nécessite pas des investissements nouveaux dans le prochain budget; ça fait déjà partie de nos crédits actuels», a reconnu le ministre.

Après des années de soutien au développement de places en garderies privées non subventionnées, le gouvernement fait volte-face dans son approche et octroie 85% des 2000 nouvelles places à des Centres de la petite enfance (CPE), le reste allant à des garderies privées subventionnées.

Quant aux 3800 places qui pourront être créées, elles sont toutes destinées aux CPE qui avaient présenté des projets il y a quelques années et dont le développement était prévu pour 2015. Québec avait en mains 275 projets approuvés, dont 92 pourront aller de l'avant à la suite d'une réévaluation des besoins sur le territoire.

«Au cours des dernières années, il y a eu davantage de places développées en garderies privées non subventionnées et je souhaitais qu'on puisse ramener cet équilibre-là. (...) On se devait de créer des places subventionnées», a expliqué M. Fortin.

Projets bloqués

Les restrictions budgétaires et, surtout, les nouvelles règles de financement imposées aux CPE expliquent le retard dans la mise en oeuvre de ces projets.

Tous les projets de développement en CPE qui impliquent des immobilisations étaient autrefois financés à 100% par le gouvernement, mais celui-ci a décidé, au début du mandat des libéraux de Philippe Couillard, qu'il n'en financerait plus que la moitié, les CPE devant assumer l'autre moitié.

Le ministre Fortin a annoncé mardi que l'on n'exigerait plus que 25% du financement de la part des CPE et même que Québec absorberait la totalité des coûts d'immobilisation pour les projets situés dans des villes ou des quartiers défavorisés, dans les régions ressources et dans les milieux autochtones.

«Il y a des projets qui ont été retardés pour des considérations financières», a admis le ministre, selon qui des CPE s'étaient plaints du fait que «les nouvelles règles budgétaires, des fois, ça peut être un frein au développement».

Luc Fortin était toutefois incapable de chiffrer le coût de l'annonce de mardi, affirmant que celui-ci dépendrait de la réponse des CPE pour les projets de développement.

«Difficile de ne pas être cynique»

L'Association québécoise des CPE a accueilli avec beaucoup de réserves cette annonce.

Tout en se réjouissant de l'ajout au réseau, son président-directeur général, Louis Senécal, a estimé que 2000 nouvelles places, «ça demeure un coup d'épée dans l'eau quand on regarde les besoins à travers le Québec».

Quant aux 3800 autres, M. Senécal a rappelé qu'il s'agissait de projets bloqués depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux il y a quatre ans et qu'un enfant passe cinq ans en CPE. «Donc, c'est pratiquement une génération d'enfants qu'on a privés de services.»

Par ailleurs, il n'a pas caché une certaine amertume de voir le gouvernement se targuer de réduire la contribution des CPE aux immobilisations à 25 pour cent, rappelant que c'était ce même gouvernement qui avait imposé une contribution qui n'existait pas du tout avant son arrivée au pouvoir.

«Aujourd'hui on vous annonce que c'est une bonne nouvelle qu'on passe de la règle de 50% à 25%, mais avant (le gouvernement) finançait 100 pour cent des projets en CPE. On n'est pas là pour se réjouir», a laissé tomber M. Senécal.

«C'est difficile de ne pas être cynique à quelques mois d'une élection, mais on va quand même garder en tête la bonne nouvelle pour les familles qui vont avoir des services alors qu'elles en étaient privées depuis longtemps.»

Répit aux parents démunis, pas à la classe moyenne

Le ministre Fortin a par ailleurs indiqué que des annonces en matière de services de garde viendraient «au cours des prochaines semaines», laissant entrevoir une mesure qui pourrait se retrouver dans le prochain budget et qui sera destinée «aux parents qui bénéficient de l'aide de dernier recours».

«Ce sera une mesure qui va découler du plan de lutte à la pauvreté; il va y avoir des mesures très spécifiques pour les enfants défavorisés», s'est-il contenté d'indiquer.

Par contre, les familles qui ont dû encaisser des hausses substantielles et inattendues de la facture de services de garde, à la suite de la décision du gouvernement Couillard d'aligner les tarifs sur les revenus des ménages, ne doivent pas espérer un répit.

«Pour ce qui est du principe général de la modulation des tarifs, ce débat a été fait et il n'est pas question pour nous de revenir sur cette question», a-t-il tranché.

«Les parents paient un tarif qui est juste et équitable; les familles moins nanties ont été épargnées et les parents qui sont plus en moyens contribuent davantage.»

Saguenay-Lac-Saint-Jean: appel aux parties.

Interrogé sur la grève générale et illimitée déclenchée lundi par les quelque 500 éducatrices de 22 CPE du Saguenay-Lac-Saint-Jean, le ministre a toutefois tenu à garder ses distances.

«Le gouvernement est complètement extérieur à ce conflit; le gouvernement n'est pas l'employeur des éducatrices», a d'abord tenu à rappeler M. Fortin.

Rappelant que toutes les questions nationales ont été réglées avec l'ensemble des syndicats de CPE, il a insisté sur le fait que le conflit dans cette région ne touche que les clauses dites régionales qui, elles, ont été réglées dans la plupart des régions aux tables locales.

«Je m'attends à ce que les discussions s'intensifient et qu'on pense aux enfants et aux parents, qu'on pense à leurs intérêts», a plaidé le ministre Fortin, tout en évitant de se ranger d'un côté ou de l'autre. «Je ne jette pas le blâme à aucune des deux parties», a-t-il précisé.

«Il y a des médiateurs qui sont impliqués dans les négociations là-bas. (...) J'appelle les deux parties à reprendre ces discussions, à les intensifier.»