Selon la Fédération autonome de l'enseignement (FAE), les commissions scolaires où ses membres travaillent ont déboursé au moins 12,6 millions au cours de l'année scolaire 2016-2017 pour remplacer les enseignants qui étaient en congé de maladie de longue durée pour des raisons de santé mentale.

Selon des informations obtenues par le syndicat auprès de sa compagnie d'assurance, 43 % des enseignants représentés par la FAE qui étaient en arrêt de travail depuis plus de deux ans lors de la dernière année scolaire vivaient des troubles psychologiques. Tout en précisant que les raisons individuelles qui ont mené à ces arrêts de travail ne lui ont pas été communiquées, le syndicat explique cette situation en partie par une organisation du travail « pathogène » qui crée de la détresse et de la fatigue chronique chez plusieurs profs, notamment quand vient le temps d'être évalués sur des cibles de réussite pour les élèves qui ne tiennent pas compte des indicateurs socioéconomiques dans lesquels l'école se situe.

« Les conditions dans lesquelles on fait travailler les enseignants en conduisent plusieurs à de la détresse et ça coûte cher. Ça coûte cher aux profs qui subissent ces invalidités et ça coûte cher au système », estime le président de la FAE, Sylvain Mallette, qui affirme que les arrêts de travail pour des raisons de santé mentale semblent être en croissance, ou à tout le moins ne pas diminuer.

Déjà en 2010, rappelle-t-il, une étude de l'École nationale d'administration publique (ENAP) effectuée auprès de 2400 enseignants de la FAE avait établi que 47 % d'entre eux vivaient de l'anxiété, alors que 60 % rapportaient avoir des symptômes d'épuisement professionnel de façon mensuelle et que près du quart voulaient quitter la profession après moins de cinq ans sur le marché du travail.

Des cibles problématiques

Réunis aujourd'hui au Palais des congrès de Montréal, les enseignants de la FAE souhaitent interpeller la classe politique et le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, sur la pression qu'ils vivent quotidiennement dans leur milieu de travail.

• 34 000: Nombre d'enseignants représentés par la FAE au Québec

« On a appliqué en éducation, comme dans d'autres secteurs, une logique de gestion où on souhaite que tout se calcule pour pouvoir rendre des comptes. On a fixé des cibles à atteindre [...] et on a mis une pression excessive sur les épaules des profs, tout en les privant en même temps des ressources ou des moyens [pour les atteindre] », affirme M. Mallette.

Le président de la FAE donne en exemple des écoles où les directions d'établissement se font donner par les commissions scolaires des cibles de réussite de 95 % dans les cours de français. Si certains enseignants n'atteignent pas cette cible, et ce, même si l'école est située dans un milieu défavorisé ou multiethnique, « on va les rencontrer, chercher à comprendre et remettre en question leurs approches pédagogiques et leur façon d'évaluer ».

« Ça affecte l'image que le prof a de lui-même, parce qu'on envoie le message que s'il n'est pas capable d'atteindre la cible, c'est qu'il n'est pas bon. [...] Même si la direction de l'école va reconnaître qu'elle manque de moyens [pour soutenir ses enseignants], elle va maintenir la pression puisqu'elle doit répondre elle aussi aux cibles qu'on lui fixe », explique M. Mallette.

Une gestion axée sur les résultats

Pour Simon Viviers, professeur adjoint au département des fondements et pratiques en éducation de l'Université Laval, la gestion des écoles axée sur les résultats « accentue certains problèmes », notamment en mettant davantage de pression sur les enseignants qui ressentent une reddition de comptes.

« Les enseignants n'ont pas l'impression d'avoir les ressources qu'il faut pour arriver [à atteindre les cibles] et ils se sentent contraints, d'une certaine manière, à une mission impossible. »

Le chercheur sera présent au rassemblement de la FAE, à Montréal, pour rencontrer les enseignants et leur présenter les résultats d'une recherche qu'il a menée à ce sujet.

Le président de la FAE, Sylvain Mallette, ne négocie pas actuellement le renouvellement d'une convention collective, mais souhaite plutôt faire de l'enjeu de la santé mentale des enseignants un débat politique en cette année électorale. Il souhaite notamment que les écoles « sortent de la logique comptable » des cibles de réussite des élèves, qui mettent une pression sur les profs.