Être trop anxieux peut mener au décrochage, tout comme de ne pas l'être du tout. C'est ce que révèle une étude longitudinale menée auprès de 5469 élèves d'écoles francophones québécoises situées pour la plupart dans des milieux défavorisés et qui vient d'être publiée dans The British Journal of Psychiatry.

Alors qu'il est largement question dans les médias du fait que les jeunes sont très angoissés de nos jours, cette étude révèle que pour réussir ses études, il faut quand même s'en faire un peu.

Les élèves dont le niveau d'anxiété est faible au début du secondaire courent 40 % plus de risques de ne pas avoir obtenu leur diplôme deux ans après l'échéance normale des études secondaires que ceux qui ont un niveau moyen d'anxiété. Cette proportion est de 30 % chez les élèves qui présentent un niveau élevé d'anxiété.

« Nous nous attendions à un risque accru de décrochage pour une anxiété plus grande, mais nous n'avions pas prévu que trop peu d'anxiété pouvait aussi augmenter le risque de décrochage », dit Frédéric Nault-Brière, auteur principal de l'étude et professeur adjoint de psychoéducation à l'Université de Montréal.

Ce résultat pour les élèves sans anxiété n'est pas attribuable, précise M. Nault-Brière, à des facteurs socioéconomiques, à des difficultés scolaires ou à des problèmes de comportement.

Un stress accru

À titre de professeur, et de professeur dans un département où l'admission est contingentée, M. Nault-Brière est à même de constater que les étudiants sont plus stressés qu'avant. Il faut beaucoup les rassurer, dit-il, ils sont presque obsédés par les notes, sans doute non sans raison. « Dès le primaire, les parents sont exigeants et les jeunes ont de la pression pour passer d'une étape à l'autre - être admis à l'école secondaire de son choix, puis au cégep et, enfin, dans un programme contingenté à l'université. Les jeunes savent pertinemment que les études mènent à de bons emplois. »

Heureusement, cette angoisse, du moins quand elle se maintient à des niveaux acceptables, peut avoir du bon. C'est vrai pour le sport comme pour l'école : une petite inquiétude peut aider au dépassement.

Pour aider à contrer le décrochage scolaire, il faut tenir compte de la chose, selon M. Nault-Brière, et « essayer de voir comment on peut, à l'école, rendre les tâches suffisamment engageantes, suffisamment motivantes » pour éviter aux jeunes de tomber dans l'ennui.

Les chercheurs se sont aussi penchés sur les liens entre la dépression et le décrochage. Encore là, les résultats ont été étonnants. Oui, la dépression « est un facteur de risque de décrochage, mais seulement chez les élèves dont les notes et l'engagement scolaire sont au-dessus de la moyenne au début du secondaire ».

Les chercheurs pensent que ce lien peut être attribuable au fait que des symptômes dépressifs augmentent peu le risque de décrochage chez les jeunes qui y sont déjà plus exposés en raison de difficultés scolaires ou de problèmes de comportement.

Chez les autres, peut-être les symptômes dépressifs peuvent-ils tout faire basculer.