Les parents qui retardent l'entrée de leur enfant à l'école, une pratique de plus en plus courante aux États-Unis, mais rare au Québec, augmentent bel et bien ses chances de succès scolaire. Selon une nouvelle étude américaine, les élèves qui ont leur fête de 7 ans peu après le début de la première année ont 2,1 % plus de chances d'aller à l'université et 7,2 % plus de chances d'obtenir un diplôme d'une université contingentée.

« Il y a beaucoup de controverse sur la question, parce que c'est une stratégie couramment utilisée par les parents aisés », explique Krysztof Karbownik, économiste à l'Université Northwestern à Chicago, qui est l'auteur principal de l'étude publiée en août par le National Bureau of Economic Research (NBER) du gouvernement américain. « Nous constatons que ça aide bel et bien les enfants. »

La proportion des enfants dont les parents retardent l'entrée à l'école augmente sans cesse depuis 20 ans. C'est le cas de 9 % des enfants de la maternelle et de 12 à 16 % des enfants de première année, selon M. Karbownik. Voilà 10 ans, la proportion était inférieure à 10 %. Au Québec, moins de 2 % des enfants en âge de fréquenter la première année n'y sont pas, selon une analyse des données gouvernementales de La Presse.

Les chercheurs américains ont analysé les dossiers de tous les enfants nés dans un comté de la Floride entre 1981 et 1990, qui ont été suivis jusqu'à la trentaine. Ils ont comparé les enfants nés le mois avant la date limite pour l'entrée en maternelle (1er septembre) avec ceux qui étaient nés dans le mois suivant cette date limite. Grosso modo, ces enfants avaient une différence d'âge de 11 mois. « Notre méthode empirique est assez solide, c'est ce qui manquait dans le domaine, dit M. Karbownik. Nous avons aussi pu constater que l'effet tenait même si on prenait en compte les résultats des frères et soeurs des enfants. »

DES CLASSES PLUS HOMOGÈNES

Détail intéressant, les enfants de milieux pauvres bénéficiaient tout autant d'un redoublement imposé par l'école que d'une entrée retardée à l'école choisie par les parents. « Nous avons aussi pu voir qu'il semble y avoir une certaine validité dans les choix des parents, dit l'économiste de Chicago. Dans une autre analyse de toute la Floride, nous voyons que, dans les comtés où il y a le plus de parents qui retardent l'entrée scolaire de leurs enfants, il y a moins de différences entre les résultats des enfants les plus jeunes d'un niveau et ceux qui sont les plus âgés. »

« Ça veut dire que les enfants doués ne voient pas leur entrée à l'école retardée. C'est particulièrement important parce que d'autres études ont calculé les effets négatifs d'une entrée retardée à l'école, donc sur le marché du travail plus tard. Ça frise 100 000 $ si on tient compte de tous les revenus d'une personne durant sa vie professionnelle. »

Ces résultats donnent des bases solides à un nouveau mouvement visant à créer des classes plus homogènes quant à l'âge des enfants à la maternelle et au début du primaire. « L'effet des différences d'âge diminue au fil du primaire, dit M. Karbownik. Mais au début, il pourrait y avoir un grand avantage à regrouper des enfants plus similaires quant à l'âge. »

La Presse a demandé à Annie Charron, spécialiste du préscolaire et de la maternelle à l'UQAM, de commenter l'étude. « Je dis souvent aux enseignantes de maternelle de tenir compte de l'âge dans leur évaluation, dit Mme Charron. Il y a de grandes différences entre des enfants de 5 et 6 ans. »

Que pense-t-elle de la proposition de faire des classes de maternelle plus homogènes quant à l'âge ? « Au préscolaire, au contraire, des études montrent que les groupes avec des enfants de différents âges ont de meilleurs résultats. À cet âge-là, les enfants apprennent par imitation et les plus jeunes bénéficient des plus âgés. »

• Enfants de 5 ans au 1er juillet 2013 au Québec : 90 110

• Enfants de 6 ans au 1er juillet 2013 au Québec : 85 759

• Enfants inscrits à la 1re année en 2013-2014 au Québec : 89 134

SOURCES : ministère de l'Éducation, Institut de la statistique du Québec