Les trois commissions scolaires francophones de Montréal digèrent mal une sortie du maire Denis Coderre, qui les a accusées de se traîner les pieds dans la construction de nouvelles écoles. Elles blâment au contraire la Ville, qui tarderait à leur trouver des terrains alors que les besoins sont criants d'un bout à l'autre de l'île.

Lors de la dernière séance du conseil municipal, des citoyens ont confronté le maire Coderre par rapport à sa décision de donner le feu vert à un projet immobilier sur le site de l'ancien Hôpital pour enfants sans imposer la présence d'une école primaire. L'élu a répliqué en blâmant la Commission scolaire de Montréal (CSDM) pour ses délais dans l'aménagement de nouveaux établissements scolaires. «J'ai hâte qu'ils livrent la marchandise en matière d'écoles», a-t-il lancé.

«J'étais étonnée d'entendre ses propos, a indiqué la présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon. Si j'avais un terrain, je commencerais la construction immédiatement.»

La CSDM souligne que Québec impose aux commissions scolaires de construire sur des terrains leur appartenant. Or, Catherine Harel Bourdon rappelle que la CSDM n'en détient plus au centre-ville.

«Des réponses à l'emporte-pièce»

Cette sortie n'a pas seulement estomaqué la CSDM. «Le maire Coderre a semblé dire que ce serait un problème qu'il réglerait facilement. S'il a des solutions applicables immédiatement, au lieu de faire des réponses à l'emporte-pièce, il devrait s'asseoir avec les commissions scolaires et nous dire où sont les terrains. On ne tardera pas», a répliqué Miville Boudreault, président de la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île (CSPI).

M. Boudreault affirme qu'il avertit depuis plusieurs années la Ville qu'il a besoin de terrains pour bâtir de nouvelles écoles. Sans succès. 

Faute de terrains, les écoles doivent agrandir. Parfois plusieurs fois. Un établissement de la CSPI compte pas moins de 900 élèves. Au primaire. «Mais là, on arrive à un point où il n'est plus possible d'agrandir», prévient Miville Boudreault.

De l'argent, mais pas d'espace

Même son de cloche à la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), où l'on déplore de devoir attendre longtemps avant de voir les arrondissements bouger. «À Pierrefonds, ça fait trois ans qu'on a l'argent pour construire une nouvelle école, mais on n'a jamais réussi à avoir un terrain de l'arrondissement», déplore la présidente, Diane Lamarche-Venne.

Les besoins sont pourtant criants dans l'ouest de l'île, où le nombre d'élèves augmente de 1000 à 1500 par an. Et ce, depuis plus de 10 ans. Diane Lamarche-Venne déplore que les besoins en écoles ne soient pas pris en compte quand les villes autorisent des projets immobiliers.

Pour régler le problème, la présidente de la CSMB estime que la Ville ne devrait pas se contenter d'exiger des promoteurs une réserve de 10% pour des espaces verts, mais aussi penser aux écoles et aux garderies. Catherine Harel Bourdon estime d'ailleurs que l'erreur dans le dossier de l'Hôpital pour enfants a été de vendre tout le site à un promoteur, sans réserver un espace pour une école. 

Catherine Harel Bourdon dit avoir entrepris de convaincre Québec de l'autoriser à louer un espace dans le projet immobilier de l'Hôpital pour enfants. Elle souligne que les besoins pour une nouvelle école au centre-ville sont pressants. Déjà 300 élèves du secteur doivent aller dans un quartier voisin. La Presse a tenté d'obtenir des explications du ministère de l'Éducation, mais nos appels sont restés sans réponse.

Scepticisme

Quant à l'idée du maire voulant que Montréal prenne en charge la construction et l'entretien des écoles, les commissions scolaires se montrent sceptiques. «Je ne suis pas certaine que les citoyens sont parfaitement satisfaits de la gestion des travaux de la Ville. Alors je ne vois pas comment elle pourrait s'en ajouter avec des centaines de bâtiments», dit Catherine Harel Bourdon.

Quand elle a entendu Denis Coderre dire qu'il souhaitait être responsable de la gestion des écoles, Diane Lamarche-Venne en est venue à penser qu'il n'était pas sérieux. «Je pense que c'est une boutade. Je sais qu'il n'a pas froid aux yeux, qu'il est prêt à relever des défis, mais je ne suis pas sûre qu'il sait de quoi il parle.»

Mais devant l'ampleur des besoins, Miville Boudreault estime que l'heure n'est pas à se battre pour déterminer qui gère quoi. Il faut agir. «On ne se lancera pas dans une querelle de juridiction avec la Ville de Montréal pour savoir qui va gérer les écoles. On ne fera pas une querelle qui va durer des années, alors que les besoins sont immédiats.»