Le gouvernement Couillard fait de l'Université Bishop's la grande gagnante de son réinvestissement, toutes proportions gardées. Il augmente sa subvention de 19%, une hausse six fois plus importante que celle accordée à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) et à l'Université de Montréal, a appris La Presse.

De façon générale, les établissements en région sont plus choyés que les autres, en vertu du projet de règles budgétaires du ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. 



Le budget se concrétise


Déposé en mars dernier, le budget Leitão prévoit une hausse de 3% des subventions aux universités. Cet ajout d'environ 90 millions n'était toutefois pas ventilé. C'est ce que font les règles budgétaires du Ministère, qui ont été soumises tout récemment au réseau pour consultation.

La Presse a obtenu une copie de ce «projet» de règles budgétaires. Chaque université y apprend le montant de sa subvention de fonctionnement, la source de revenus en provenance de Québec.

L'Université Bishop's voit sa subvention bondir de 19%. Celle-ci passe de 21,5 millions, selon les règles budgétaires 2016-2017, à 25,6 millions cette année. Cet établissement anglophone de premier cycle, situé à Sherbrooke, est l'un des plus petits du réseau, avec environ 2400 étudiants à temps plein.

Une aide sur mesure

Comment s'explique une telle augmentation? Le gouvernement crée une aide sur mesure pour l'Université Bishop's, selon le projet de règles budgétaires. «Un montant additionnel de 2 millions [lui] est octroyé dans le cadre de sa mission particulière à titre d'établissement de plus petite taille sis en région», peut-on y lire. À cette somme s'ajoute un autre million de dollars provenant d'une mesure appelée «Aide supplémentaire aux universités de plus petite taille».

Cinq autres établissements, tous du réseau de l'Université du Québec, touchent 1 million chacun grâce à cette même mesure d'aide : l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), l'Université du Québec à Rimouski (UQAR), l'Université du Québec en Outaouais (UQO) et l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

«Un petit spécial»

«Bishop's plaide depuis longtemps qu'il y a une iniquité» par rapport à d'autres universités en région, a expliqué la ministre responsable de l'Enseignement supérieur, Hélène David. Cet établissement a depuis trop longtemps «regardé passer le train», selon elle. «C'est dans ce contexte-là qu'on a dit : on va faire un petit spécial pour Bishop's, pour les aider à arriver», a-t-elle ajouté.

Une hausse de 19%, «oui, ça a l'air gros sur leur budget, qui est ma foi plutôt modeste, mais entendons-nous : ce n'est vraiment pas beaucoup» si l'on compare avec ce que Bishop's aurait pu recevoir si le gouvernement lui avait donné dans le passé une aide équivalente à d'autres universités en région, a-t-elle plaidé.

Pour le recteur Michael Goldbloom, «ce financement supplémentaire représente l'aboutissement d'un processus de négociation de trois ans» avec le gouvernement. L'université, dans le rouge depuis des années, pourra ainsi retrouver l'équilibre budgétaire. Son déficit est proportionnellement plus important que celui d'autres établissements, comme l'Université de Montréal et l'UQAM.

Les régions choyées

Les universités en région ont droit aux plus importantes hausses budgétaires, toutes proportions gardées. Le gouvernement veut leur accorder un soutien particulier, a expliqué Hélène David. «Il faut tenir compte de la réalité des régions. Il n'y a pas d'effet de masse critique et de volumes. Un cours de sciences politiques donné à l'UQAM, admettons, on peut mettre des centaines d'étudiants dans ce cours-là avec le même chargé de cours. Mais à Bishop's ou à l'UQAC, ils n'ont pas ce volume d'étudiants. Alors ça coûte beaucoup plus cher.»

Et Montréal, dans tout ça?

Dans la métropole, l'École de technologie supérieure (ETS) et Polytechnique bénéficient des hausses budgétaires les plus élevées, toujours si l'on compare leur subvention de fonctionnement de 2016-2017 à celle de cette année.

«Les orientations budgétaires correspondent à ce qui nous avait été annoncé et, donc, à nos attentes en ce sens», s'est contentée de dire la porte-parole de l'UQAM, Jenny Desrochers. L'Université de Montréal a refusé tout commentaire.

Un réinvestissement de 66,7 millions

Après des années de compressions, le gouvernement Couillard chiffre à 66,7 millions de dollars son réinvestissement dans le réseau universitaire. Mis à part les 6 millions aux universités en région et l'aide spéciale à Bishop's, Québec alloue 29 millions de dollars au «rehaussement de l'encadrement des étudiants, dont l'embauche d'enseignants». Environ 300 professeurs seront ajoutés, selon la ministre David.

Quelque 7,5 millions iront aux nouvelles bourses destinées aux doctorants en psychologie. Le gouvernement réserve 5,5 millions pour former davantage d'infirmières praticiennes spécialisées. Une enveloppe de 4 millions est prévue afin de «bonifier les ressources professionnelles pour venir en aide aux étudiants à besoins particuliers». Une autre de 2 millions vise à «favoriser l'attraction et la rétention des étudiants étrangers au Québec, particulièrement en région».

Droits de scolarité

Les droits de scolarité connaissent la hausse la plus importante depuis le «printemps érable». Ils vont augmenter de 2,7%, ou 63 $. Ils passent en effet de 2328 $ à 2391 $ par année pour un étudiant à temps plein, selon le projet de règles budgétaires. L'augmentation est fixée selon la croissance du revenu disponible des ménages.

C'est le gouvernement Marois qui, en 2013, avait adopté cette mesure afin de régler la crise étudiante. Au cours de chacune des quatre dernières années, la facture des étudiants a ainsi augmenté de 2,6%, de 2,2%, de 0,9% et de 1,5%. Les frais institutionnels obligatoires imposés par les universités devront croître d'au plus 2,7% cette année, selon le document ministériel.