L'école secondaire publique a encore perdu du terrain au profit du privé dans deux des trois commissions scolaires francophones de Montréal ainsi qu'à Laval, selon des données obtenues par La Presse. L'école publique gagne toutefois en popularité sur la Rive-Sud et sur le territoire de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, dans l'ouest de Montréal.

Sur le territoire des commissions scolaires de Montréal, de la Pointe-de-l'Île et de Laval, la proportion d'élèves qui fréquentaient l'école publique en sixième année et qui ont opté pour le privé au secondaire est en hausse, selon des données recueillies par La Presse.

À la Commission scolaire de Montréal (CSDM), cette proportion est passée de 29 à 31 % au cours des cinq dernières années. Laval a connu une hausse semblable.

Selon la présidente de la CSDM Catherine Harel Bourdon, l'école publique a fait les frais d'importantes compressions budgétaires de 2010 à 2015 en plus d'être particulièrement malmenée sur la place publique en 2015-2016 alors que Québec menait des négociations ardues avec les syndicats des enseignants.

Les problèmes de moisissures et la vétusté de certaines écoles ainsi que le manque de soutien aux élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage ont souvent fait les manchettes.

« D'un côté, ça a mobilisé certains parents dans le mouvement "Je protège mon école publique", qui revendique un meilleur financement en éducation et un meilleur financement des bâtiments scolaires, mais ça a pu en pousser d'autres à aller vers le réseau privé », affirme Mme Harel Bourdon, en entrevue avec La Presse.

« On souligne à grands traits ce qui ne va pas bien à l'école publique alors que les écoles privées, elles, sont rarement sur la sellette. Lorsqu'on entend parler des écoles privées, c'est dans des campagnes marketing », dit Mme Harel Bourdon.

Montréal est l'endroit au Québec où il y a le plus d'enfants qui fréquentent l'école privée « en raison de l'image négative de l'école publique - que ce soit justifié ou pas », indique pour sa part Jean-Marc St-Jacques, président de la Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP), organisme à but non lucratif qui regroupe 193 établissements autonomes à travers le Québec. « Toute la publicité négative faite sur l'état des bâtiments, la violence dans certains quartiers, les gangs de rue fait en sorte que les gens veulent envoyer leurs enfants au privé », poursuit M. St-Jacques.

BUDGET DE PUBLICITÉ FAMÉLIQUE

La CSDM ne bénéficie pas d'un budget de publicité comparable à celui des écoles privées montréalaises, déplore sa présidente. « C'est David contre Goliath », lance Mme Harel Bourdon.

L'an dernier, pour faire la promotion de sa trentaine d'écoles secondaires, la CSDM avait un budget total de 24 952 $. Une somme qu'elle a investie dans son site web et dans quelques publicités ciblées dans des hebdomadaires locaux. Rien pour se payer une publicité à une heure de grande écoute sur VRAK - chaîne spécialisée pour les jeunes - comme certaines écoles privées montréalaises, souligne-t-elle.

Mme Harel Bourdon a récemment reçu les confidences du directeur d'une école secondaire de la CSDM qui ne fait plus visiter son établissement lors des journées portes ouvertes parce que ses locaux désuets découragent les parents d'y inscrire leurs enfants. Ce directeur réunit plutôt les jeunes visiteurs et leurs parents dans une salle où des élèves et des membres du personnel viennent leur vanter leurs réalisations.

INVESTISSEMENTS MAJEURS RÉCLAMÉS

Ces dernières années, en raison de la hausse du nombre d'élèves du primaire à la CSDM - 1000 élèves de plus par an depuis trois ans -, ce sont les projets de rénovation et d'agrandissement des écoles primaires qui ont été privilégiés.

« On n'a pas eu d'investissements majeurs au secondaire depuis des années », déplore Mme Harel Bourdon. La CSDM attend le feu vert de Québec pour agrandir ou rénover plusieurs écoles secondaires de son territoire, notamment l'école La Voie, dans Côte-des-Neiges, qui déborde.

La CSDM planche aussi sur un projet pour offrir de véritables locaux de répétition et une salle de concert à l'école Joseph-François-Perrault, dans le quartier Saint-Michel, et transformer les locaux actuels en salles de classe. 

À l'heure actuelle, les locaux de répétition de l'école Joseph-François-Perrault « n'ont pas de bon sens » ; ils sont tellement exigus que les enfants ont « la trompette dans les oreilles », illustre Catherine Harel Bourdon.

La CSDM travaille depuis un an et demi à une révision de son offre de programmes d'études au secondaire pour permettre à l'élève - peu importe dans quel secteur de la CSDM il se trouve - de s'inscrire à un programme ou une concentration qui correspond à ses champs d'intérêt (sciences, arts, sports, international), pas nécessairement « avec sélection ».

Mais pour la présidente de la CSDM, tant que Québec va subventionner massivement l'école secondaire privée, plusieurs familles de la classe moyenne vont continuer de choisir le privé en se disant que cela ne représente que 1000 ou 1500 $ de plus que les frais de services de garde qu'ils déboursaient lorsque leur enfant était au primaire.

PLUS D'IMMIGRÉS ET D'ÉLÈVES EN DIFFICULTÉ

Les écoles secondaires privées accueillent de plus en plus d'élèves issus de l'immigration et d'élèves éprouvant des difficultés d'apprentissage, affirme pour sa part la Fédération des établissements d'enseignement privés.

« Beaucoup de parents [issus de l'immigration] inscrivent leurs enfants dans nos écoles, car ils veulent qu'ils soient bien intégrés à la société québécoise. Je ne dis pas que l'école publique ne fait pas son travail. C'est une question de perceptions », dit Jean-Marc St-Jacques, président de la FEEP.

Il donne l'exemple du collège Regina Assumpta qui a mis sur pied un comité de valorisation de la langue française puisque près de 60 % des élèves de ce collège privé montréalais ne parlent pas français à la maison.

Plusieurs écoles privées conçoivent des projets pour intégrer des élèves en difficulté, souligne le président de la FEEP, aussi directeur général du collège Bourget. Dans cette école située à Rigaud, l'an dernier, 15 % des élèves bénéficiaient d'un plan d'intervention en raison de difficultés d'apprentissage.

COMMISSION SCOLAIRE DE LAVAL

La hausse de la popularité du privé à Laval s'explique par l'arrivée d'un nouvel acteur dans un secteur de la ville où il n'y avait auparavant aucune école secondaire privée, selon la FEEP. Le collège Citoyen - l'ancien collège Rachel à Montréal, devenu collège Laurier avant d'être rebaptisé de nouveau - a déménagé dans ses nouvelles installations situées à l'angle de l'autoroute 13 et du boulevard Sainte-Rose pour la rentrée 2015-2016.

COMMISSION SCOLAIRE DE LA POINTE-DE-L'ÎLE

Sur le territoire de la commission scolaire de la Pointe-de-l'Île, bien que le taux reste moins élevé qu'ailleurs, le privé est aussi de plus en plus attrayant - la proportion d'élèves quittant le public pour le privé y est passée de 10,9 % à 15,9 % au cours des cinq dernières années. La directrice des communications Christiane St-Onge a décliné notre demande d'entrevue.

Pour sa part, la FEEP explique cette hausse de popularité par le dynamisme de certaines écoles privées comme le collège d'Anjou ou le collège Saint-Jean-Vianney. « Ces écoles ont vraiment travaillé fort ces dernières années pour diversifier leur projet éducatif et ainsi rejoindre une clientèle plus variée », souligne M. St-Jacques.

Lisez le reste du dossier de La Presse+:

Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys: l'hémorragie freinée

Rive-Sud: le public gagne en popularité

Un attrait moins fort pour le privé chez les anglophones