Le gouvernement Couillard enterre l'idée d'une commission parlementaire sur la falsification des résultats scolaires, parce que les professeurs pourraient avoir peur de briser l'omerta.

C'est ce qu'a laissé entendre le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, qui avait pourtant manifesté auparavant une certaine ouverture sur ce forum de consultation.

L'opposition officielle est revenue à la charge jeudi avec cette demande exprimée à l'étude des crédits budgétaires, mais le ministre lui a servi un argument qui avait alors été évoqué.

À la période de questions en matinée, M. Proulx a fait allusion aux affirmations du député caquiste Jean-François Roberge, qui soutenait alors qu'il y avait un «climat de peur malsain» parmi les professeurs, une «omerta».

Les langues ne vont donc pas se délier en commission parlementaire à l'Assemblée, a-t-il suggéré, sans remettre en cause l'existence du climat de peur.

«Je me souviens que les collègues aux (études de) crédits m'ont dit une chose: les gens, ils sont mal à l'aise de parler. Ce n'est pas en les amenant à Québec qu'ils vont parler davantage», a dit M. Proulx.

Le ministre a écarté une bonne fois pour toutes la proposition du Parti québécois, alors que pourtant il y a près de deux semaines il avait dit qu'un «passage et une discussion devant les parlementaires» pourraient s'imposer.

«Ce n'est pas en commission parlementaire qu'on va être capable de régler ça», a-t-il tranché jeudi.

Le porte-parole péquiste en matière d'éducation, Alexandre Cloutier, a dit jeudi avoir reçu des centaines de témoignages sur sa page Facebook de professeurs qui dénoncent leur direction d'école ou leur commission scolaire parce qu'elles maquilleraient les mauvais résultats scolaires.

Les notes seraient falsifiées pour donner aux élèves en difficulté la note de passage et ainsi atteindre les taux de réussite scolaire visés par le gouvernement.

Un sondage de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) suggère que près d'un prof sur deux avait vu la note qu'il avait attribuée à un élève être ajustée à la hausse sans qu'il ait pour autant donné son consentement.

Sébastien Proulx a soutenu qu'il veut d'abord «identifier le problème», puis «faire le ménage dans ce qui est vrai ou pas». Il a nié que «tous les élèves passent dans un filtre de manipulation ou de changement de notes pour des bonnes ou des mauvaises raisons».

Ses explications fournies à l'opposition officielle ont toutefois semblé ambiguës par moments. «Ce n'est pas vrai que ça n'arrive pas dans certaines circonstances que des élèves ont eu des mauvais résultats, que la note n'est pas satisfaisante, puis, pour toutes sortes de raisons, il y a une réflexion sur l'évaluation de l'élève pour son année ou pour son passage dans cette matière-là, ce n'est pas vrai», a-t-il dit.

Le ministre de l'Éducation a déclaré que des «gestes concrets» devront être posés, en invoquant la «responsabilité» de l'enseignant, de l'équipe-école et du conseil d'établissement, dans l'élaboration des règles d'évaluation des élèves.

Cependant, «il n'y a pas de place pour que la commission scolaire change des notes», a-t-il dit, en rappelant que la loi «établit déjà qui fait quoi» et que si on la respectait, «ce serait déjà le début».

La Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) avait dénoncé la manipulation des notes comme étant une «intrusion directe dans l'autonomie professionnelle des enseignants».

Il y a deux semaines, le ministère de l'Éducation avait expliqué qu'un résultat est ramené à 60 pour cent pour tenir compte d'une possible «erreur de mesure dans l'ensemble des évaluations qui couvrent la matière» et que la pratique «cherche à éviter de porter préjudice à un élève».