Le gouvernement Couillard n'écarte pas une commission parlementaire sur la falsification des résultats scolaires, pour donner une note de passage à des élèves qui ont échoué.

Le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, a affirmé vendredi qu'un «passage et une discussion devant les parlementaires» pourraient s'imposer, après avoir apprécié la situation.

Il répondait ainsi au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation, Alexandre Cloutier, qui a soulevé de nombreux témoignages d'enseignants, selon lesquels des résultats scolaires étaient falsifiés à de nombreuses reprises pour donner aux élèves la note de passage, et ainsi atteindre les taux de réussite scolaire visés par le gouvernement.

«On maquille les chiffres, on camoufle la vérité, et ce n'est pas en se mettant la tête dans le sable qu'on va régler nos problèmes de diplomation», a soutenu le député de Lac-Saint-Jean en point de presse vendredi matin au parlement.

Un sondage de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) suggère que près d'un prof sur deux avait vu la note qu'il avait attribuée à un élève être ajustée à la hausse sans qu'il ait pour autant donné son consentement.

À l'étude des crédits budgétaires du ministère en commission parlementaire vendredi matin, Alexandre Cloutier a demandé à ce que les parlementaires soient consultés sur ce problème. Il dit avoir reçu une avalanche de témoignages par l'entremise de sa page Facebook.

«C'est quand même grave, a-t-il soutenu. Certains professeurs trouvent injuste que dans certains scénarios, on ramène à la même valeur certains élèves, qui en bout de course n'ont pas eu le même résultat. Si les notes ne valent plus rien, eh bien disons-le. (...) Qu'on laisse les professeurs s'exprimer librement, qu'on crève cet abcès sur la place publique.»

Toutefois, le ministre de l'Éducation a dit vouloir d'abord apprécier les faits avant de proposer une démarche. Il a tenté de faire une distinction entre les pratiques aux épreuves ministérielles - qui subissent une pondération à la hausse de 58 à 60 % - et les cas de gonflement des résultats dans les écoles, des cas locaux qui ne sont pas assez documentés, selon lui.

«Il y a beaucoup de dénonciations, de procès d'intention, les gens ne comprennent pas trop, peut-être qu'il y a quelque chose, peut-être qu'il y a moins de cas qu'on ne le pense, peut-être que ce sont tous des cas qui peuvent s'apprécier différemment», a déclaré M. Proulx, tout en ajoutant «qu'un passage et une discussion devant les parlementaire pourraient s'imposer» par la suite, après vérification des pratiques.

En point de presse, il a dit être guidé par les principes suivants: pas de malversations sur les notes, pas de raccourci pour obtenir de bonnes statistiques.

«Ce n'est pas un trophée, la réussite, à la fin, un trophée dont on peut être fier parce qu'on l'a atteint à tout prix», a-t-il résumé.

Le porte-parole caquiste en matière d'éducation, Jean-François Roberge, a salué la proposition d'une commission parlementaire. Il a critiqué les réserves du ministre, parce que selon lui la commission parlementaire est justement un préalable «pour faire la lumière» et vérifier les faits.

«Les témoignages sont durs à recueillir en ce moment, il y a une omerta, c'est grave, les gens qui nous écrivent disent: «ne me nommez pas'. (...) Ils ont peur. C'est le climat de peur malsain qu'il y a dans les écoles du Québec. Il y a des parents, des bénévoles, des directions d'école, des enseignants, qui se font intimider», a-t-il dit.

La Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) s'est élevée aussi contre la «manipulation des notes», dérive majeure d'une «gestion axée sur les résultats».

Dans un communiqué diffusé vendredi après-midi, la présidente de la FSE, Josée Scalabrini, a dénoncé les gestionnaires de l'éducation «qui se soucient davantage des statistiques reluisantes sur la réussite que de la réussite réelle des élèves».

«La manipulation des notes est une intrusion directe dans l'autonomie professionnelle des enseignants», a-t-elle déclaré en demandant des consignes claires pour interdire la manipulation des notes, mais aussi toute pression sur les enseignants pour atteindre les cibles du ministère.

Mme Scalabrini a assuré que son syndicat allait prendre part aux éventuelles consultations.

Dans un communiqué émis vendredi, en fin d'après-midi, le ministère de l'Éducation a expliqué qu'un résultat est ramené à 60 pour cent pour tenir compte d'une possible «erreur de mesure dans l'ensemble des évaluations qui couvrent la matière» et que la pratique «cherche à éviter de porter préjudice à un élève».

Le ministère cite en exemple le Nouveau-Brunswick et l'Alberta, où le processus serait aussi utilisé.

«À la suite d'allégations concernant une possible manipulation des résultats scolaires de certains élèves, le ministère procédera à des vérifications (...) afin de documenter les pratiques rapportées», a indiqué le gouvernement.

Voici quelques cas cités par le député péquiste Alexandre Cloutier en commission parlementaire:

«En cours d'été, on nous demande même de remplir un document justifiant notre choix de conserver la note lorsque l'élève a 57 % au final. On nous conseille de mettre 55 ou 60 si on veut donner un résultat clair. On nous demande donc de jouer avec les notes.»

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«Je suis enseignante en première année. Un jour j'ai appris que lorsque je mets 57, la note apparaît au bulletin, mais le logiciel ne considère pas ce résultat comme un échec. Alors je dois mettre 55 ou 56 à un élève qui ne satisfait pas aux attentes. (...) Et quand tu mets 56 tu te fais demander par la direction de voir si tu ne pourrais pas revoir tes évaluations pour faire passer l'élève.»

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«Certaines écoles refusent de donner un zéro à un élève qui refuse de remettre un travail ou de faire un examen. Exemple: un élève devait me remettre quatre travaux, il ne m'en a remis qu'un seul dans lequel il a eu 90 %. Pour les trois autres le prof a donné zéro, et comme il est impossible d'inscrire un zéro, la moyenne de l'étudiant a été de 90 %.»