Qualité éducative « généralement très basse », enseignants parfois mal formés et manque de ressources : les classes de maternelle 4 ans - implantées depuis 2013 à la vitesse grand V - n'ont pas l'impact voulu sur les enfants de milieux défavorisés, selon la première étude indépendante portant sur leur qualité. Le rapport recommande au gouvernement de ralentir le rythme des ouvertures et de plutôt augmenter la qualité de celles qui existent déjà.

DESTINÉES AUX MILIEUX DÉFAVORISÉS

Les classes de maternelle 4 ans ont été créées afin de permettre aux enfants issus de milieux défavorisés de ne pas accuser un retard dès leur entrée à l'école en apprivoisant le cadre scolaire et le « plaisir d'apprendre ». Or, la professeure Christa Japel et son équipe de l'UQAM ont étudié 282 enfants et 29 classes pour conclure que les résultats n'étaient pas au rendez-vous. Actuellement, la maternelle 4 ans « ne permet pas de réduire les écarts entre les enfants et d'atténuer l'impact des facteurs de risque du milieu familial », a expliqué la professeure en entrevue téléphonique. « Les résultats escomptés ne sont pas là. »

PROFIL DES FAMILLES

Les parents des jeunes évalués par l'étude ont accepté d'exposer leur situation aux chercheurs.

• Une mère sur quatre n'a pas fini son secondaire

• 54 % d'entre elles sont sans emploi

• Près d'un tiers des familles disposent d'un revenu de moins de 25 000 $

MANQUE DE RESSOURCES

La faute incombe au manque de ressources, selon l'équipe de la professeure Japel. « La qualité de l'environnement éducatif est généralement très basse avec des lacunes marquées en ce qui a trait au mobilier et à l'aménagement des lieux, aux soins personnels, à la stimulation du langage et du raisonnement, aux activités offertes, aux interactions et à la structure du service », écrivent-ils dans leur rapport. Concrètement, la spécialiste évoque le ratio qui peut atteindre 18 enfants par adulte et des enseignants parfois mal préparés à prendre en charge des enfants aussi jeunes.

TROIS CRITÈRES ANALYSÉS

• Vocabulaire

• Activités sur les nombres

• Capacité à s'autoréguler

DÉVELOPPEMENT RAPIDE

Misant sur cette mesure pour lutter à long terme contre le décrochage scolaire, le gouvernement a accéléré l'ouverture de classes de ce type depuis un an. En septembre dernier, leur nombre a plus que doublé, passant de 86 à 186 dans la province. Un développement trop rapide, aux yeux de la professeure Japel. « On ouvre des classes, mais on n'a pas la formation nécessaire [pour les enseignants], pas le soutien continu pour s'approprier un curriculum qui est assez vague, a-t-elle dit. On ne met pas en place les conditions de succès. »

68

Sur les 72 commissions scolaires du Québec, 68 ont des classes de maternelle 4 ans.

CROISSANCE DIFFICILE

La solution : il faut « accueillir les enfants dans des milieux de haute qualité avec des ratios appropriés (1:10) et du personnel qualifié (formation universitaire avec spécialisation en petite enfance », écrit l'équipe de la professeure Japel, qui invite les décideurs à réfléchir davantage avant de poursuivre le développement rapide du réseau. « Il faut investir dans la qualité... plutôt que la quantité. »

PROBLÈMES D'AMÉNAGEMENT

Le ministère de l'Éducation avait déjà rendu publique, en 2015, une évaluation « préliminaire » plutôt positive de ses maternelles 4 ans. Le programme pédagogique avait ainsi été jugé « très satisfaisant ou satisfaisant » par les enseignants qui avaient répondu à un sondage. Le rapport détectait toutefois déjà des problèmes liés à la rapidité de l'implantation : « l'aménagement physique des écoles » a ainsi causé des soucis. « Certains élèves de 4 ans n'ont tout simplement pas eu accès aux structures de jeux de la cour d'école, du moins dans les premiers mois de l'année scolaire », soulevait le rapport.