Se disant en guerre contre la rectitude politique à outrance, un professeur de l'Université de Toronto refuse très publiquement d'utiliser un pronom personnel neutre s'il se trouve en présence d'une personne transgenre. L'affaire cause tellement de remous que l'Université de Toronto lui a demandé de mettre fin à sa croisade.

Après avoir obtenu, dans plusieurs universités du Québec et d'ailleurs, des toilettes neutres sans mention «hommes» ou «femmes» sur les portes, des transgenres revendiquent que toute référence au genre soit effacée lorsqu'on s'adresse à eux. Ainsi, les politiques de l'Université de Toronto prévoient que l'étudiant choisisse lui-même le pronom qu'il souhaite qu'on utilise dans ses communications avec lui.

Les transgenres tentent depuis quelque temps de faire entrer dans l'usage des pronoms personnels neutres. En anglais, en plus des usuels «he» or «she», on tente de faire accepter «ze», «e» ou «they». En français, dans certains cercles, les transgenres proposent les pronoms «iel», «yel» ou «ille».

D'autres universités, dont l'Université Harvard, ont aussi des politiques permettant à l'étudiant de choisir lui-même le pronom personnel et le genre qui lui correspondent. C'est aussi le cas à la Commission scolaire de Montréal, qui s'est dotée cette année de lignes directrices à l'égard de ses élèves transgenres.

Le professeur de psychologie Jordan Peterson trouve que tout cela va trop loin et il réclame, au nom de la liberté d'expression et de la liberté de l'enseignement, d'utiliser les pronoms qu'il veut bien.

Quelque 250 de ses collègues professeurs ont dénoncé sa prise de position, la jugeant discriminatoire. Dans deux lettres distinctes rendues publiques par Jordan Peterson, ses supérieurs lui ont expressément demandé de mettre fin à sa croisade, alléguant que le débat qu'il a soulevé avait valu des menaces à des étudiants transgenres.

«Nous sommes convaincus que vous n'avez pas souhaité avoir ce genre d'impact. En raison de cela, en raison aussi de vos obligations [légales], nous vous demandons d'arrêter d'y aller de telles déclarations.» - Extrait d'une lettre envoyée à Jordan Peterson

Althea Blackburn-Evans, porte-parole de l'Université de Toronto, ne nie pas que ces lettres aient été envoyées. «À l'Université de Toronto, nous encourageons nos membres à exprimer leur opinion sur les lois ou encore sur les politiques de notre propre université. On s'attend aussi à ce que nos membres les respectent.»

Or, précise-t-elle, le Code des droits de la personne en Ontario interdit toute discrimination liée à l'identité sexuelle. L'Université de Toronto l'interdit aussi.

Opposition au projet de loi C-16

Jordan Peterson, qui documente la popularité de ses nombreuses vidéos sur YouTube et de ses tweets, utilise aussi sa tribune pour s'opposer au projet de loi fédéral C-16, qui propose de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'interdire la discrimination envers les personnes transgenres au pays. Une modification au Code criminel serait aussi apportée afin que les éléments de preuve établissant que la haine fondée sur l'identité ou l'expression de genre, lorsqu'elle motive un crime, soit considérée comme une circonstance aggravante.

Au Québec, le projet de loi 103, adopté en juin, modifie le Code civil du Québec afin de permettre à un enfant mineur d'obtenir le changement de la mention du sexe figurant à son acte de naissance.

Pour le reste, dans les universités québécoises, on ne signale pas encore de polémique relative aux pronoms. On en est encore aux prénoms. L'Université McGill signale par exemple qu'elle permet dans certains contextes l'utilisation d'un autre prénom que celui reçu à la naissance. C'est le cas aussi à l'Université Concordia. Les documents officiels - comme le diplôme - portent cependant le prénom légal.

PHOTO ARCHIVES THE TORONTO STAR

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