Religion, immigration, radicalisation, terrorisme : une étude inédite menée auprès de quelque 2000 élèves du cégep déboulonne plusieurs mythes et idées reçues concernant la radicalisation violente au Québec. Non, les immigrés ne courent pas plus de risques de se radicaliser que les Québécois dits « de souche ».

La religion, une voie rapide vers l'extrémisme ? Au contraire : ceux qui croient en un dieu soutiennent moins les idées radicales violentes que les athées. Faits saillants... parfois surprenants.

25 ans et moins

«Les hommes et les jeunes de moins de 25 ans sont plus susceptibles de soutenir la radicalisation violente, dit l'étude. Dans le cas des hommes, on observe un pic de soutien à la radicalisation violente vers l'âge de 21 ans, alors que dans le cas des femmes, ce pic semble se situer avant l'arrivée au cégep, donc avant 16 ans.»

Les cégépiens sont au coeur de ce groupe d'âge vulnérable. Récemment, des cégeps ont été le théâtre d'incidents liés à la radicalisation islamiste. Des chercheurs, des experts et des professeurs ont pris la parole, mais pas les principaux intéressés. Pour la première fois, des élèves se prononcent sur ce sujet particulièrement polarisant. En tout, 1894 cégépiens de huit établissements ont été sondés sur la radicalisation violente (pas seulement religieuse). Parmi les questions posées : donner leur niveau d'accord par rapport au fait d'utiliser des armes ou des bombes pour se battre contre les injustices.

Immigrants et «de souche»

Est-ce que les jeunes issus de communautés culturelles adhèrent davantage au radicalisme violent que les Québécois dits «de souche»? Non, répond l'étude. En fait, les élèves originaires du Québec, avec les immigrants de deuxième génération, témoignent plus de soutien aux gestes radicaux et violents que les immigrants de première génération. «Ces résultats soulignent que le fait de considérer la violence comme une solution possible n'est pas l'apanage de certains groupes religieux ou ethniques», dit l'étude.

Quand les victimes se radicalisent

Un passé de victime augmente les risques de radicalisation violente. Ainsi, les jeunes qui ont fait l'objet de discrimination religieuse, mais aussi basée sur l'orientation sexuelle ou sur le sexe, par exemple, sont particulièrement vulnérables. Même chose pour ceux qui ont été victimes de violence. 

Selon Cécile Rousseau, c'est souvent lorsqu'un jeune vit un sentiment d'impuissance ou d'injustice qu'il souffre et qu'il a l'impression qu'il n'a pas de recours, et que les idées radicales deviennent séduisantes. «Des jeunes qui sont en situation d'exclusion ou qui ont vécu des situations de violence, s'ils sont déprimés en plus, ils peuvent être plus attirés par des solutions violentes.» 

Dans le sondage, 47% des élèves rapportent avoir déjà vécu au moins une expérience de discrimination. Les jeunes adhérant à l'islam, les anglophones et les élèves vivant seuls témoignent en être plus souvent victimes.

Religion, vecteur d'espoir

On associe souvent religion et radicalisation, surtout dans le contexte social actuel. Pourtant, le fait d'être croyant protègerait les fidèles bien plus que cela ne les pousserait vers la violence. Pourquoi? La religion est souvent un vecteur d'espoir, explique Mme Rousseau, qui permet de donner un sens à la vie et de sentir qu'on appartient à quelque chose, ce que les jeunes à risque n'arrivent souvent pas à faire.» 

Les chercheurs souhaitent maintenant vérifier si l'appartenance à un mouvement social ou politique offre la même protection.

L'étude a été menée par le centre de recherche SHERPA de l'institut universitaire rattaché au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'île-de-Montréal, en partenariat avec la Fédération des cégeps.