Une association d'enseignants collégiaux et universitaires canadiens fustige deux collèges ontariens qui offrent des formations exclusivement aux hommes sur leurs campus en Arabie saoudite. Elle va même jusqu'à menacer de boycottage le Collège algonquin et le collège Niagara.

En janvier dernier, une controverse avait éclaté au sujet de la présence de campus de ces établissements ontariens en Arabie saoudite, qui offrent des cours aux hommes uniquement.

Le Collège algonquin d'Ottawa et le collège Niagara, en partie financés par des fonds publics, avaient respectivement ouvert leur antenne saoudienne en 2013 et 2014. Le campus du premier, situé à Jizan dans le sud-est du pays, y propose une dizaine de programmes, dont l'économie, la comptabilité et le génie électrique. Celui du second, situé à Taïf, près de La Mecque, offre des formations en tourisme, en hôtellerie et en économie.

Apprenant la nouvelle dans les médias, la première ministre de l'Ontario, Kathleen Wynne, avait jugé en janvier « inacceptable » que ces collèges ouvrent des antennes exclusivement réservées aux hommes en Arabie saoudite. La loi islamique en vigueur dans ce royaume interdit en effet la présence d'hommes et de femmes dans les mêmes cours.

L'ACPPU PRÉOCCUPÉE

L'Association canadienne des professeures et professeurs d'université (ACPPU), qui représente le personnel de 120 universités et collèges au pays, a fait connaître son mécontentement aux deux établissements concernés. Dans une missive envoyée le 28 juin dernier, son directeur général, David Robinson, explique être préoccupé par la décision de s'implanter dans un pays connu pour réprimer sévèrement la liberté d'expression, pratiquer des exécutions de masse et discriminer les femmes.

À la fin de l'année 2015, les femmes saoudiennes ont pu participer pour la première fois aux élections municipales, à la fois en tant qu'électrices et comme candidates. La place de la femme dans la société est toutefois fréquemment décriée. Malgré une relative ouverture à la vie politique, leurs droits dans ce pays demeurent limités.

BLÂME ENVISAGÉ 

L'ACPPU dit par ailleurs encourager la mobilité universitaire et l'ouverture vers d'autres pays. Mais David Robinson constate que la conception canadienne de la liberté académique n'est pas respectée en Arabie saoudite. Dans ce royaume régi par les préceptes rigoristes de l'islam wahhabite, « critiquer le pouvoir en place à l'intérieur ou à l'extérieur du collège entraînera les sanctions les plus sévères », poursuit le directeur général. Il rappelle également que le blogueur saoudien Raif Badawi a été condamné à 10 ans de prison et à 1000 coups de fouet pour « insulte à l'islam ».

À moins que des mesures soient prises pour dissiper ses inquiétudes, David Robinson a avisé les présidents du Collège algonquin et du collège Niagara qu'il envisage de recourir à une procédure de blâme lors de la prochaine assemblée du conseil, prévue en novembre.

« Le blâme est une sanction extrêmement sérieuse dont il faut user avec précaution », selon le règlement de l'ACPPU. Concrètement, un blâme empêcherait les membres de l'Association d'accepter « toute nomination » dans l'établissement visé, ainsi que « toute invitation à y prononcer une conférence », ou encore de recevoir « tout honneur ou distinction » de sa part. Si une telle procédure devait être appliquée, l'ACPPU aurait par ailleurs le devoir de rendre public le différend auprès des médias et du monde universitaire.

Joint par La Presse pour savoir si un établissement québécois possédait une antenne en Arabie saoudite, le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a indiqué ne pas avoir « de renseignements sur les activités hors Québec des universités et des cégeps ».