Fraîchement nommée, la nouvelle ministre responsable de l'Enseignement supérieur, Hélène David, fait face à un conflit de plusieurs millions de dollars avec les universités. Les recteurs demandent à Québec de revenir sur sa décision et d'augmenter la subvention de fonctionnement des universités du pourcentage total des hausses de salaires accordées aux employés de l'État. Ils veulent 9,15% d'ici 2019-2020, trois fois plus que les 3% offerts par le gouvernement Couillard.

Les recteurs ont fait connaître leur position aux sous-ministres de l'Éducation, Sylvie Barcelo et Ginette Legault, dans une lettre que La Presse a obtenue. Preuve que l'enjeu est important, ce document est signé par 19 recteurs et dirigeants de l'ensemble des universités du Québec.

La lettre a été envoyée alors que Pierre Moreau dirigeait le Ministère, donc avant la nomination d'Hélène David à l'Enseignement supérieur, hier. Mme David se retrouve en terrain connu : elle était vice-rectrice à l'Université de Montréal avant de faire le saut en politique en 2014. Elle a déjà été sous-ministre adjointe à l'Enseignement supérieur au ministère de l'Éducation.

La subvention de fonctionnement des universités sert à payer le salaire des employés en bonne partie. Elle fluctue notamment en fonction de la «politique salariale gouvernementale» (PSG). Il s'agit du taux d'augmentation salariale dans les secteurs public et parapublic tel que négocié entre le gouvernement et les syndicats.

Or, comme on l'apprenait la semaine dernière, Québec veut distinguer deux types d'augmentations de salaires dans les textes finaux de l'entente avec le Front commun syndical. Il entend ainsi fixer la PSG à 3% de 2016 à 2019 afin de limiter la portée des clauses de parité («clauses remorques») détenues par des travailleurs, dont les médecins, et ainsi réaliser des économies.

Les gains salariaux supplémentaires consentis aux employés de l'État seraient exclus de la PSG, ce qui constituerait une première. Ils se chiffrent au total à 6,15%, si l'on inclut les gains liés à la relativité salariale. Pour les exclure de la PSG, le Trésor les présente comme la contrepartie des concessions faites au chapitre du régime de retraite. Le Front commun refuse de signer l'entente telle que rédigée par le gouvernement.

Québec a avisé les universités plus tôt cette année que la hausse de leur subvention pour indexer les salaires serait limitée à 3% d'ici 2019-2020, puisqu'elle est arrimée à la PSG. Dans leur lettre, les recteurs s'opposent à cette mesure qui les priverait de dizaines de millions de dollars.

Ils font valoir que les universités «font face aux mêmes difficultés que le gouvernement» au sujet des régimes de retraite et «ont fait ou auront à faire les choix qui s'imposent, choix qui ont un impact sur leurs coûts de fonctionnement».

Des coûts «non négligeables»

Les gains liés à la relativité salariale doivent également être versés aux universités, estiment les recteurs. Car dans les dernières années, les établissements «ont dû mettre en place des structures salariales assurant l'équité interne qui ont engendré des coûts non négligeables».

Les recteurs ajoutent que «la mise en vigueur de la Loi sur l'équité salariale a eu des impacts financiers importants qui n'ont jamais été compensés par le Ministère».

«En conséquence, nous considérons que les établissements universitaires doivent être compensés pour ces impacts et que les subventions de fonctionnement pour les années 2016-2017 à 2019-2020 doivent être indexées des pourcentages globaux accordés par le gouvernement, incluant ceux relatifs aux concessions sur les régimes de retraite et la relativité salariale», écrivent les recteurs. Ils réclament ainsi 9,15%. Un gouffre les sépare donc du gouvernement.

Les recteurs sont également conscients que leur marge de manoeuvre pour négocier avec leurs employés pour les prochaines années sera très limitée si la PSG demeure à 3% d'ici 2019-2020. Une université peut offrir davantage à ses employés que la politique salariale gouvernementale, mais elle doit trouver les sommes nécessaires auprès d'autres sources de revenus.

Rappelons que les employés des universités ne font pas partie du Front commun. Ils ont des conventions négociées avec les directions des universités.