Les universités anglophones risquent d'être favorisées au détriment de leurs consoeurs francophones avec la proposition du gouvernement Couillard d'augmenter la facture des étudiants étrangers pour compenser les nouvelles compressions, prévient le vice-recteur de l'Université de Sherbrooke, Alain Webster.

Le milieu universitaire a condamné hier l'intention du gouvernement Couillard d'imposer des coupes additionnelles aux universités en 2016-2017, comme l'a révélé La Presse. Québec a proposé aux recteurs d'éponger le manque à gagner en permettant aux universités d'augmenter jusqu'à 25 % la facture des étudiants étrangers.

«Il faut faire attention : ça ne peut pas être la porte de sortie de façon uniforme. Parce que ça risque de favoriser certaines universités anglophones au détriment des universités francophones du Québec. Est-ce qu'on est en train de créer une distorsion entre les universités francophones et anglophones?», a réagi M. Webster.

À l'échelle internationale, les droits de scolarité sont élevés dans les universités anglophones. «Mais quand on regarde dans les bassins francophones, en France, en Belgique, au Maghreb, la culture dans les universités n'est pas du tout d'avoir des droits de scolarité élevés, de l'ordre de 15 000 $ à 20 000 $ par année, au contraire», a-t-il indiqué.

La capacité d'attirer des étudiants et de les faire payer davantage est plus élevée dans les universités anglophones. Pas moins de 40% des étudiants venus de l'étranger fréquentent les universités McGill et Concordia.

Si, comme le veut la formule des dernières années, les compressions sont réparties entre les établissements au prorata du nombre total d'étudiants, les universités francophones risquent de ne pas être en mesure de les éponger en augmentant la facture des étudiants étrangers. Elles n'en accueillent pas suffisamment pour y arriver, a expliqué M. Webster.

Entre libertés et garanties

L'Université McGill s'est contentée de dire qu'elle réclame depuis longtemps «plus de liberté» pour fixer la facture des étudiants étrangers, mais qu'elle s'inquiète aussi des nouvelles compressions.

La Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal fait valoir que les universités en région, qui ont une plus faible capacité d'attraction des étudiants internationaux, écoperont davantage. Il est loin d'être acquis, selon elle, que des droits de scolarité majorés compenseraient les coupes budgétaires.

«On n'a aucune garantie qu'on va pouvoir attirer autant d'étudiants internationaux qu'à l'heure actuelle. Depuis la hausse des frais de scolarité des étudiants français, il y a une baisse des admissions», a plaidé son secrétaire général, Nicolas Lavallée. Il demande au gouvernement de renoncer à une nouvelle ronde de compressions.

Les subventions du gouvernement aux universités sont à peu près les mêmes qu'il y a quatre ans, alors que l'effectif étudiant a augmenté, a souligné Alain Webster. Elles s'élevaient à 2,760 milliards en 2011-2012, contre 2,795 milliards cette année. On est loin du réinvestissement promis tour à tour par les libéraux et les péquistes. Ils s'étaient tous deux engagés à réinvestir 1,7 milliard d'ici 2018-2019.

De son côté, le cabinet du nouveau ministre de l'Éducation, Pierre Moreau, a affirmé que les révélations de La Presse sont «un scénario» présenté aux recteurs dans le cadre d'une «rencontre de travail». «La décision n'a pas été prise», a ajouté l'attachée de presse Catherine Poulin.