Malgré les investissements en éducation que fait miroiter le premier ministre Philippe Couillard, les universités subiront de nouvelles compressions en 2016-2017, a annoncé Québec aux recteurs. Mais le gouvernement a trouvé une formule pour leur permettre de les éponger. Il leur donnera le feu vert pour augmenter les droits de scolarité des étudiants étrangers, a appris La Presse.

Les universités pourraient hausser jusqu'à 25% la facture d'un étudiant étranger à compter de l'automne, selon une source bien au fait du dossier. Cette augmentation maximale représenterait entre 3000 $ et 4000 $ pour une année d'études à temps plein (30 crédits). Si toutes les universités augmentaient au maximum permis la facture des étudiants étrangers, elles toucheraient autour de 30 millions de dollars au total.

Notons que les quelque 12 000 étudiants français seraient épargnés par cette mesure. Ils ont déjà apporté leur contribution: leur facture annuelle au premier cycle a triplé pour passer de 2300 $ à 6550 $ à l'automne 2015. C'est la même somme que celle payée par les étudiants venus des autres provinces canadiennes.

La sous-ministre de l'Éducation, Sylvie Barcelo, et la sous-ministre adjointe à l'Enseignement supérieur, Ginette Legault, ont rencontré des recteurs le 15 janvier dernier pour leur présenter les orientations du gouvernement.

Les recteurs ont demandé aux deux sous-ministres si les universités écoperont encore de compressions en 2016-2017, après les coupes de 72 millions de cette année et de 200 millions l'année précédente. Les deux sous-ministres ont répondu par l'affirmative. Ce sera dans le budget Leitao, ont-elles indiqué.

La chute du dollar prise en compte

La somme des coupes n'a pas été divulguée. Or, les hautes fonctionnaires ont ajouté que le gouvernement leur permettra d'augmenter la facture des étudiants étrangers afin de compenser ces nouvelles compressions. Dans le monde universitaire, on observe que le gouvernement profite manifestement de la chute du dollar canadien pour mettre de l'avant une telle mesure. La pilule passerait mieux auprès des étudiants touchés, calcule-t-on.

Cette mesure sera «temporaire», a fait savoir le Ministère aux recteurs. Le gouvernement Couillard travaille en effet depuis plusieurs mois à une réforme du financement des universités qui changera la facturation des étudiants étrangers à l'avenir.

La rencontre entre le Ministère et des recteurs a eu lieu avant le remaniement ministériel du 28 janvier. Mais rien ne laisse croire que le nouveau ministre de l'Éducation, Pierre Moreau, changera de cap à ce sujet par rapport à son prédécesseur François Blais, selon le milieu universitaire. Lorsque Québec en vient à faire une annonce aux recteurs, c'est que la décision est bel et bien arrêtée, souligne-t-on.

Pourtant, en marge du remaniement de son cabinet la semaine dernière, Philippe Couillard a laissé entrevoir des investissements supplémentaires pour l'enseignement. Il a promis de réserver «une place assez importante à l'éducation» dans le prochain budget. Les signaux laissent croire jusqu'ici que le gouvernement concentrerait ses investissements dans le secteur primaire-secondaire, là où la grogne est telle contre les compressions que des parents déploient périodiquement des chaînes humaines autour des écoles. Dans la mise à jour budgétaire de l'automne dernier, le gouvernement a annoncé des investissements supplémentaires de 80 millions pour le primaire et le secondaire en 2016-2017 et a prévu une croissance des dépenses en éducation de 2,3% cette année-là.

Or, comme le budget de l'éducation est constitué aux trois quarts de salaires, une bonne partie de la croissance servira à payer les hausses salariales de 1,5% prévues à l'entente de principe avec le front commun des employés de l'État. Et si l'on tient compte en plus de la progression dans les échelons et des autres «coûts de système», il restera bien peu de sous pour un réinvestissement. À moins que le gouvernement décide de couper davantage dans d'autres ministères pour offrir plus à l'Éducation.

Si l'on exclut les Français, le Québec compte environ 20 000 étudiants étrangers. Près de la moitié d'entre eux ne paient que les droits de base, c'est-à-dire les mêmes que les Québécois (2293 $ par année), en raison notamment d'ententes entre Québec et certains pays. Les autres doivent en plus payer un montant forfaitaire. C'est ce montant qui augmentera avec le feu vert que donnera le gouvernement. Les universités peuvent déjà le hausser de 10% au maximum. Le plafond sera rehaussé.

En 2014, deux rapports ont proposé au gouvernement de changer en profondeur sa politique concernant les étudiants étrangers. Leur constat est le même: ceux-ci doivent payer davantage.

D'abord, la commission Robillard sur la révision permanente des programmes a plaidé en faveur d'une déréglementation complète des droits de scolarité pour les étudiants étrangers. Les universités fixeraient elles-mêmes les droits. «Le niveau des droits de scolarité exigés des étudiants internationaux est moins élevé au Québec que pour la moyenne des provinces canadiennes», peut-on lire dans le document. De son côté, un rapport d'un groupe de travail du Ministère sur le financement des universités a recommandé de moduler les droits de scolarité selon la discipline et le niveau d'études.