Un autre remaniement, un autre ministre. Après les faux départs d'Yves Bolduc et de François Blais, le milieu de l'éducation espère que l'arrivée de Pierre Moreau permettra de donner un peu de stabilité à un ministère affligé depuis longtemps déjà du syndrome des portes tournantes. La Fédération autonome de l'enseignement, dans un communiqué d'une brièveté record -  7 mots ! - a résumé l'opinion générale : « Cette fois-ci doit être la bonne. »

Neuf ministres en 13 ans

En 13 ans depuis l'élection qui a porté le Parti libéral au pouvoir en 2003, le ministère de l'Éducation a changé neuf fois de titulaire. Cela représente un nouveau ministre tous les 17 mois. Pendant la même période, le fauteuil du ministre de la Santé - l'autre grand poste budgétaire de l'État québécois - a connu seulement quatre occupants : Philippe Couillard, Yves Bolduc, Réjean Hébert et Gaétan Barrette. « Le ministère de l'Éducation est devenu un coupe-gorge où les têtes tombent les unes après les autres », constate le président de la FAE, Sylvain Mallette.

Un frein

Le président de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay, ne s'en cache pas : les innombrables changements de ministres compliquent la vie de tout le monde. « C'est préoccupant, surtout parce que ça génère un certain ralentissement dans l'avancement des dossiers, le temps que la nouvelle équipe se les approprie », dit-il. « On est toujours en déséquilibre », renchérit la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Josée Bouchard, qui déplore que chaque ministre veuille « faire sa marque avec des petites mesures qui font la une, comme la dictée, les 15 minutes de devoir par jour ou l'aide aux devoirs partout ».

Le projet de loi 86

Plusieurs acteurs du réseau de l'éducation espèrent néanmoins que le changement de ministre sera l'occasion pour le gouvernement de repenser le projet de loi 86 sur la réforme des commissions scolaires. Les consultations qui devaient avoir lieu en commission parlementaire cette semaine ont été annulées. « On ne peut pas croire qu'il se présentera en commission parlementaire sans avoir pris connaissance en profondeur de la question », dit Mme Bouchard, de la FCSQ, qui s'oppose à la fin annoncée des élections scolaires. La FAE a été plus directe encore : « Un des premiers gestes de M. Moreau devrait être de jeter aux poubelles ce projet de loi », a dit son président, Sylvain Mallette.

Priorité à l'éducation

« En éducation, le problème n'est pas tant le porteur du dossier que la vision du gouvernement. Avec les compressions budgétaires infinies, on coupe les racines de la prospérité. Il faut que le gouvernement fasse de l'éducation une priorité nationale. »

- Caroline Senneville, présidente de la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN)

« On espère que ce troisième ministre [en deux ans] pourra donner un vrai coup de barre au réseau et soit à la hauteur de ce que le réseau commande, qu'il écoute le monde et se concentre sur les vraies priorités plutôt que sur un débat de structures. »

- Louise Chabot, présidente de la Centrale des syndicats du Québec

«Un signal fort»

« M. Moreau est énergique, il est rigoureux sans être rigide et il a les idées claires. Ce que je connais de lui, je l'apprécie. Ça va aider, parce que l'éducation est malmenée. [...] Son principal défi sera de convaincre ses collègues que l'éducation est une priorité. »

- Le Dr Guy Breton, recteur de l'Université de Montréal

« Trop longtemps, le ministère de l'Éducation a fait du surplace. Le ministre Moreau a quant à lui la réputation d'être un ministre d'action. On comprend donc que le gouvernement envoie un signal fort à l'effet que l'éducation est désormais une priorité. »

- Antoine Côté, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec