Avez-vous déjà eu des problèmes de santé liés à la qualité de l'air intérieur ou relatifs à des moisissures ? Telle est l'une des 17 questions du formulaire très élaboré que doit remplir depuis deux semaines toute personne qui espère décrocher un emploi à la Commission scolaire de Montréal (CSDM), où les écoles sont particulièrement délabrées.

Une lectrice qui espère devenir enseignante à la CSDM et qui nous a envoyé ce questionnaire est bien embêtée. Doit-elle répondre honnêtement à toutes les questions, sachant que « toute fausse déclaration ou omission peut entraîner le rejet de [sa] candidature », comme le précise le formulaire ?

Il y a cette question sur la vulnérabilité aux moisissures et à une mauvaise qualité de l'air ; une autre, aussi, où l'on demande aux candidats s'ils ont déjà souffert de problèmes cutanés, par exemple « psoriasis, eczéma, dermatite, urticaire, allergie ou autres ».

Les postulants doivent aussi révéler s'ils ont déjà éprouvé des problèmes de santé mentale, des problèmes d'ouïe, musculo-squelettiques (rhumatisme, arthrite, arthrose, tendinite, bursite ou autres), s'ils ont déjà subi un accident d'automobile ayant occasionné une blessure, etc.

Alain Perron, porte-parole de la CSDM, indique que ce formulaire est envoyé aux candidats de tous les corps d'emploi depuis deux semaines, en tout respect des informations confidentielles qui seront ainsi transmises. « Avant cela, nous demandions des papiers de médecin pour savoir si les personnes étaient aptes au travail. Ça entraînait des coûts sociaux ou des coûts pour le candidat. Nous avons voulu faciliter les choses, en nous basant sur les meilleures pratiques. »

Le service juridique de la CSDM, assure M. Perron, a donné l'aval à ce formulaire destiné à quiconque est convoqué en entrevue.

La lectrice, qui a demandé l'anonymat, trouve pour sa part le procédé plutôt intrusif. Devrait-elle répondre honnêtement à toutes les questions ou essayer de cacher certains problèmes de santé passés qui ont de toute façon été résolus par une médication appropriée ? Et qui aura accès à toutes ces informations très privées ?

Ce que dit la Charte

Me Stéphanie Fournier, avocate à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, précise d'entrée de jeu qu'elle ne peut pas se prononcer sur ce cas particulier.

De façon générale, cependant, elle rappelle que la Charte québécoise des droits de la personne interdit toute discrimination à l'embauche liée à la race, le handicap, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, la religion ou l'état civil d'un candidat.

Détail important, « la Charte offre d'ailleurs la protection en amont, dans le processus de sélection ».

Si l'employeur pose de telles questions, il pourra être appelé à se justifier devant les tribunaux, « et le fardeau de la preuve reposera sur lui », précise Me Fournier.

Si une question est jugée discriminatoire, le candidat n'aura même pas à démontrer qu'il n'a pas eu l'emploi à cause de cette information. 

« Tout ce que la personne aura à démontrer, c'est que la question lui a été posée. »

La Commission des droits de la personne traite quantité de dossiers sur ce sujet, des questions semblables étant posées régulièrement dans le domaine de la santé et des services sociaux. « Les employeurs cherchent toujours à savoir qui sont les plus à risque de s'absenter, fait remarquer Me Fournier, mais pour nous, ce que l'on veut éviter, c'est que le processus d'embauche vire au bilan de santé. »

En 2011, la Commission des droits de la personne avait envoyé une lettre à quelque 220 organismes du secteur de la santé et des services sociaux leur rappelant leur obligation de respecter la Charte lors des entrevues de sélection et dans les formulaires médicaux à la préembauche.

Un an plus tard, la Commission des droits de la personne a rappelé à l'ordre le Centre de santé et de service sociaux Jeanne-Mance et l'Institut Philippe-Pinel, qui ont accepté, à sa demande, de corriger leurs questionnaires médicaux de préembauche.