Un couloir étroit avec des casiers entassés comme des sardines mène à une classe réservée aux enfants atteints d'autisme. Les planchers craquent. Un peu plus loin, un élève souffrant d'une déficience intellectuelle attend qu'un de ses camarades sorte de la salle de bains... sans porte, faute d'espace à l'intérieur. Un jeune pris de rage est escorté jusqu'à un petit local. Du matériel de premiers soins s'empile jusqu'au plafond.

L'école Irénée-Lussier, dont la mission est de donner de l'autonomie aux jeunes atteints de déficiences intellectuelles lourdes, est un labyrinthe de couloirs et d'escaliers. Se déplacer est une mission impossible pour les jeunes qui ont de la difficulté à se retrouver dans l'espace-temps. «Ça urge, il nous faut une nouvelle école. Il est maintenant minuit moins cinq», s'insurge la commissaire scolaire Diane Beaudet, d'Hochelaga-Maisonneuve.La construction de cet «hôpital-école» remonte au début du siècle dernier. La direction a entamé des discussions en 2009 avec le gouvernement, donc il y a bientôt sept ans, dans l'espoir d'avoir une école neuve, adaptée à ses besoins. La Commission scolaire de Montréal (CSDM) est déjà propriétaire d'un terrain pouvant recevoir un nouveau bâtiment. Les plans d'architecte sont prêts. Le projet a été revu à la baisse, passant de 67 à 45 millions. Mais toujours rien.

«C'est toujours le même silence radio de la part du gouvernement, se désole la directrice de l'école, Catherine Lachaîne. On a invité le ministre Blais à venir nous visiter, on n'a même pas reçu un accusé de réception. Nous en sommes à notre troisième gouvernement. Pendant ce temps, notre clientèle augmente. J'ai 13 élèves sourds entassés dans un local pas plus gros que mon bureau. Mon gymnase sert aussi de cafétéria.»

En plus de jongler avec l'espace inadéquat, la direction de la CSDM a appris juste avant de déposer ses états financiers, il y a quelques semaines, que le gouvernement ne remboursera plus les frais de location des locaux modulaires (roulottes) de l'école. On parle d'une somme de plus ou moins 20 000$, selon l'annexe. Les 250 élèves de cette école sont actuellement dispersés à travers trois pavillons, et dans près d'une dizaine d'annexes mal chauffées en hiver.

«Il faut comprendre que les ratios ne sont pas les mêmes pour nos élèves, explique Mme Lachaîne. Dans certains cas, on a des classes pouvant accueillir un maximum de cinq élèves souffrant du spectre de l'autisme. Plusieurs de nos élèves portent des couches, d'autres prennent des médicaments. Nous sommes une école de bout de ligne, quand il n'y a plus rien à faire.»

Plusieurs ministres interpellés

Henri-Louis est un élève d'Irénée-Lussier. Il aura bientôt 21 ans. Sa mère, Vânia Aguiar, est de tous les combats pour obtenir une nouvelle école même si son fils ne la fréquentera pas puisqu'elle accueille les jeunes de 12 à 21 ans. Elle a d'abord tenté de parler à Michelle Courchesne, ancienne ministre de l'Éducation, sous les libéraux. Elle a ensuite interpellé Marie Malavoy, Pauline Marois, du Parti québécois. Le ministre démissionnaire Yves Bolduc, l'actuel ministre François Blais, et maintenant le premier ministre Philippe Couillard.

«Qui le fera si ce ne sont pas nous les parents qui revendiquons, dit-elle. C'est clair que ce ne sont pas nos enfants qui vont prendre une pancarte et aller manifester dans la rue pour obtenir une nouvelle école. Mais ils ont droit à l'instruction. Je le vois avec le mien. Quand mon fils ne fréquente pas l'école durant deux-trois semaines, il perd de son autonomie, de ses acquis. C'est triste de voir ce qui se passe en ce moment. On dirait qu'on ignore ces enfants, on ne veut pas les voir. On les tasse dans un coin.»