Près d'un an après le tollé soulevé par la fouille à nu d'une élève du secondaire, les balises encadrant ce type d'interventions demeurent inchangées malgré une consigne récente du ministre de l'Éducation les interdisant formellement. La fouille continue en effet d'être permise dans les écoles s'il existe des «motifs raisonnables».

À Montréal, toutes les directions des écoles publiques et privées viennent de signer une entente avec le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) reprenant presque mot à mot le vieux cadre de référence datant de 2005, dont la dernière mouture remonte à 2010.

L'entente indique que les intervenants des établissements «sont en droit de procéder à la fouille d'un élève et de ses effets personnels». Elle va plus loin en permettant aux directions de saisir des articles dont la «possession ou l'usage» sont interdits en vertu du code de vie. Il est question de stupéfiants, de tout instrument pouvant servir d'arme, mais aussi de tout appareil technologique.

Dans tous les cas, précise-t-on dans le document entériné notamment par les commissaires de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) que La Presse a obtenu, la fouille d'un élève et de ses effets personnels est permise pourvu qu'il y ait des «motifs raisonnables». Par motifs raisonnables, on entend une bonne raison de «croire» qu'une règle de l'établissement «a été violée ou est en train d'être violée», ou encore une raison de croire que la preuve de cette violation peut être trouvée sur les «lieux, sur l'élève, ou dans ses effets personnels».

Poursuite

L'hiver dernier, dans une école secondaire en banlieue de Québec, la direction a demandé à une élève de 15 ans de se dévêtir sous un drap afin de vérifier si elle cachait de la drogue. Un texto était à l'origine des soupçons. Ses parents ont depuis entamé une poursuite de 380 000$ devant les tribunaux en vertu de la Charte des droits et libertés. Selon leur avocat, Me François-David Bernier, l'entente avec le SPVM ne fait qu'entretenir le «flou».

«Que ce soit de bonne ou de mauvaise foi, il y a eu confusion l'an dernier, estime-t-il. Le balancier est allé trop loin, et c'est là que se trouve le flou. Je constate que rien n'a changé depuis, il y a un flou dans cette entente qui laisse place aux abus.»

Enquête

Le ministre François Blais a pourtant reçu des recommandations claires à la suite d'une enquête qu'il avait lui-même ordonnée, au printemps dernier. L'ex-procureure de la Chambre de la jeunesse, Me Fabienne Bouchard, a recommandé de revoir le cadre de référence sur la présence policière dans les écoles, de tisser des partenariats afin d'assurer la sécurité des élèves et d'assurer la formation du personnel scolaire.

Une première

Au SPVM, le service des relations avec les médias a redirigé une demande d'entrevue vers la CSDM, en précisant que leurs interventions dans les écoles étaient «rares». Après vérifications, le porte-parole de la commission scolaire, Alain Perron, a déclaré que la nouvelle entente était plus «officielle.» «Ce n'était pas aussi pointu avant, a-t-il précisé. On suivait la loi selon une table provinciale. C'est maintenant plus officiel. C'est une première.»

Au cabinet du ministre Blais, son attachée de presse, Julie White, s'est bornée à rappeler que les fouilles à nu sont formellement interdites depuis la controverse de l'hiver dernier, que la directive a été envoyée à tous les établissements à la rentrée scolaire. À la Commission scolaire de la Capitale, région de Québec, personne ne nous a rappelée.