Jeux gonflables, petits kiosques de barbe à papa, musique : dans la cour de l'école primaire Saint-Marc de Rosemont, la semaine dernière, c'était la fête. Mais pas pour tous les enfants : seulement pour ceux dont les parents avaient payé un extra de 27 $ au service de garde en cette journée pédagogique.

Indignée, une mère a contacté La Presse. « Comment voulez-vous expliquer à votre enfant qu'il devra rester à l'intérieur de l'école et regarder d'un local ses petits copains qui, eux, s'en donneront à coeur joie dans la cour de récréation ? »

Cette mère, qui préfère garder l'anonymat pour ne pas se mettre à dos le personnel de l'école, a choisi, cette fois, de payer les 27 $, mais elle assure qu'elle fera tout pour que ce genre de chose ne se reproduise plus.

« On ne peut pas créer deux catégories d'élèves dans une même école. Soit les parents qui en ont les moyens acceptent de payer davantage pour les enfants plus défavorisés, soit on n'organise plus d'activités semblables. », affirme cette mère.

« Ça n'a pas de bon sens », affirme quant à elle Sarah Ferron, qui a trois enfants, dont deux fréquentent l'école Saint-Marc.

Comme l'autre mère, elle explique qu'il était prévu que les enfants n'ayant pas apporté la contribution supplémentaire seraient gardés à l'intérieur de l'école en après-midi, hier, et que la cour d'école serait réservée à ceux dont les parents avaient payé 27 $.

Pour sa part, Mme Ferron n'a pas été en mesure de payer pour cette activité.

« Je suis monoparentale et ça revient cher, tout cela », dit-elle.

Mini-zoos et cinéma

Cela se passait la semaine dernière à l'école Saint-Marc, comme cela se passe dans de nombreuses autres écoles au Québec. Des parents nous ont aussi raconté avoir vu apparaître, lors de journées pédagogiques, des mini-zoos qui se déplaçaient dans les gymnases d'école ou des séances de cinéma, encore là accessibles aux seuls enfants dont les parents sont assez fortunés pour payer tout cela.

En ce qui concerne l'école Saint-Marc précisément, Catherine Harel-Bourdon, présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), indique tout d'abord que le calendrier des activités lors des journées pédagogiques relève du comité d'usagers (parents) ou du conseil d'établissement, et qu'il est élaboré au printemps.

« On remarque de plus en plus de situations par rapport aux pédagogiques. J'aimerais dire aux parents qu'ils peuvent faire part de leur mécontentement à leur conseil d'établissement. »

De façon générale, Mme Harel-Bourdon ajoute que la CSDM entend revoir de façon globale sa politique pour les journées pédagogiques. Des démarches sont aussi en branle pour conclure des partenariats avec des centres sportifs et la Société de transport de Montréal (STM), pour diminuer les frais des sorties et activités. « À l'heure actuelle, on peut au moins dire que les parents ont un choix entre le service de garde et les activités. »

Le ministère de l'Éducation autorise les services de garde à demander plus que les frais habituels pour une activité spéciale. Cette contribution doit cependant être raisonnable et refléter les coûts réels des activités.

Une activité à deux vitesses

Pour Lorraine Normand-Charbonneau, présidente de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement, ce type d'activités à deux vitesses n'a pas sa raison d'être. « Il faut se le rappeler, les enfants du service de garde, ce sont les mêmes que ceux de l'école. »

Quand elle dirigeait une école, précise-t-elle, « et ce, aussi bien quand j'étais dans un milieu favorisé que quand j'étais dans un milieu défavorisé, je me suis toujours fait un devoir de ne jamais discriminer entre les enfants qui peuvent payer et ceux qui ne le peuvent pas ».

« Un jour, je me souviens que les éducatrices du service de garde m'avaient présenté une facture de 200 $ par enfant pour les activités de l'année. En milieu défavorisé ! Ça n'avait aucun sens. »

Les parents, souligne-t-elle, sont certes nombreux à réclamer des activités ou des sorties pour permettre à leurs enfants qui passent beaucoup d'heures au service de garde de changer d'air. « En même temps, les activités n'ont pas besoin d'être toutes "wow" », croit Mme Normand-Charbonneau.

Corinne Paye, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec, s'est montrée très triste que ce genre de choses survienne. « C'est autant mon coeur de mère que mon coeur de présidente qui parle. Ça n'a aucun sens qu'on laisse une école à deux vitesses s'installer à ce point dans le réseau public. Si cela se faisait dans mon école de quartier et que je n'avais pas l'argent requis, je ne sais vraiment pas comment j'arriverais à expliquer cela à mon enfant... »

- Avec la collaboration de Sara Champagne