Les cégeps dans les régions sont plus durement frappés par les compressions budgétaires. Et leur rôle dans l'économie régionale, la participation citoyenne et le maintien des jeunes dans les régions n'est pas suffisamment connu.

Ces conclusions ressortent d'une étude réalisée par l'Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), qui a pris pour exemple le Cégep de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.

Les chercheurs François L'Italien et Jean-François Spain concluent que la situation difficile dans laquelle certains cégeps dans les régions se trouvent est davantage due aux compressions, jumelées à des facteurs socio-économiques défavorables, qu'à de mauvaises décisions de gestion.

Au cours d'une entrevue lundi, M. L'Italien a rappelé que dans le cas de bien des régions ressources, les compressions budgétaires dans les cégeps font plus mal parce qu'elles s'ajoutent à un déclin démographique, à une industrie minière ou manufacturière qui éprouve des difficultés, entraînant à son tour un exode des régions, ce qui affecte ensuite le financement du cégep, parce qu'il reçoit moins d'étudiants.

«Ces institutions ne pourront voir décroître indéfiniment leurs effectifs étudiants sans qu'elles perdent les moyens minimums nécessaires pour concrétiser leurs missions institutionnelles, mais aussi les fonctions économiques qu'elles assument vis-à-vis des localités dans lesquelles elles s'enracinent», écrivent les deux chercheurs dans leur étude d'une quarantaine de pages.

Le problème que vit le Cégep de la Gaspésie et des Îles, à savoir un déclin démographique aggravé par des compressions budgétaires et une situation économique difficile, est loin d'être unique. «Ce problème-là est généralisé», a dit en entrevue M. L'Italien.

«La plupart des régions éloignées vivent peut-être à certains égards une embellie, vu le bilan démographique désastreux des dernières années, mais grosso modo, on peut dire qu'elles sont à peu près toutes confrontées à la même problématique, qui est celle d'un exode, qui peut être maîtrisé, mais qui est quand même rampant et, d'autre part, des institutions publiques qui vivent les contrecoups des compressions budgétaires répétées ces dernières années», a-t-il résumé.

Pourtant, dans les régions ressources, les cégeps représentent non seulement une institution d'enseignement, mais aussi un pôle d'attraction en matière culturelle et de participation citoyenne, un moyen de lutter contre le décrochage scolaire et d'atténuer l'exode des habitants des régions.

«Les cégeps sont des outils importants de rétention des jeunes en région. Lorsqu'on compare les courbes d'exode régional des jeunes de 15 à 24 ans et le niveau des inscriptions du Cégep de Gaspésie-Les Îles, on constate que le niveau des inscriptions s'est relativement maintenu dans le temps depuis les années 2000, alors que l'exode s'est accru. Ceci nous laisse croire que le cégep a permis de maintenir les jeunes en région. Et on peut faire l'hypothèse qu'en son absence, il y a un nombre encore plus grand d'élèves et de professeurs et de jeunes diplômés qui ne seraient pas venus tout simplement dans une région comme la Gaspésie», a illustré M. L'Italien.

De même, plusieurs cégeps contribuent au développement économique régional, non seulement en tant qu'employeur, mais aussi en s'étant donné une couleur locale - en tourisme d'aventure, dans les pêches et avec la filière éolienne, dans le cas du Cégep de la Gaspésie et des Îles - qui leur a même permis d'attirer une clientèle qui ne vient pas de la région.

M. L'Italien croit que les cégeps dans les régions éloignées devraient bénéficier d'un «statut particulier», qui leur permettrait d'avoir accès à un financement récurrent et stable, qui tiendrait compte des fonctions économiques, sociales et culturelles particulières qu'ils remplissent dans leur région respective.

L'étude de l'IRÉC a été commandée par la Fédération étudiante collégiale du Québec, à la suite d'une tournée faite dans les régions visant à promouvoir le rôle des cégeps dans ces régions.