La Commission scolaire de Montréal (CSDM) peut retrouver l'équilibre budgétaire sans compromettre les services aux élèves, conclut le rapport de vérification indépendant demandé par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). Un constat qui contredit le diagnostic posé par la direction et les élus de la CSDM, en bagarre avec Québec depuis six mois.

Le rapport de 38 pages de Raymond Chabot, Grant Thornton, obtenu par La Presse, est très critique à l'égard de la gestion de la CSDM. «Pour une organisation de cette envergure, qui gère des sommes importantes de fonds publics, il est inhabituel de constater si peu d'outils de planification, de suivi et de contrôle administratif et financier», indiquent les auteurs.

Ils recommandent au ministre de l'Éducation, François Blais, «d'exiger de la CSDM» une série de mesures pour atteindre l'équilibre budgétaire pour 2016-2017. La commission scolaire doit produire un «plan de retour à l'équilibre», fournir un plan d'action détaillé pour les 60 prochains jours et mettre en place un mécanisme de suivi pour faire rapport au Ministère des progrès accomplis tous les trois mois.

L'automne dernier, le conseil des commissaires de la CSDM refusait d'adopter le plan de résorption du déficit fixé par Québec, soulignant «ses conséquences néfastes sur les services aux élèves». Les commissions scolaires avaient eu leurs objectifs de compressions une fois l'année scolaire entamée, ce qui rendait bien périlleuses les coupes, a expliqué Catherine Harel Bourdon, présidente de la CSDM, jointe par La Presse en fin de journée hier.

Mme Harel Bourdon maintient que les mesures du rapport n'épargneront pas les services aux élèves. «On peut se cacher la tête dans le sable, mais c'est ce que cela veut dire», lance-t-elle.

«Revoir la composition de l'équipe»

«Nos travaux révèlent que les économies additionnelles exigées par le MELS, environ 9,3 millions, soit 0,9% [du budget], auraient pu être réalisées, et ce, sans coupures de services aux élèves», indiquent les auteurs du rapport.

En accord avec les orientations de la direction générale, les économies auraient pu être réalisées par une série de réductions de dépenses, dans le «plan réussir», l'organisation scolaire et les honoraires professionnels - des coupes qui auraient donné le temps aux dirigeants de mettre en place des mesures susceptibles d'apporter des compressions récurrentes.

Parce que la mobilisation «n'est pas au rendez-vous» ou que les «acteurs administratifs ou politiques» ne parviennent pas à s'entendre, la CSDM a pris du retard dans la mise en place de mesures d'économie plus structurantes, comme la révision de l'offre de services, l'optimisation des ressources et la structure de gestion des écoles.

Sans parler de tutelle, le rapport préconise un plan d'action qui ne laisse guère de marge de manoeuvre à la direction. Un programme sur 120 jours, dont les 30 premiers devront permettre d'obtenir l'adhésion des décideurs politiques, les élus. On doit aussi compléter l'équipe de direction par un cadre «capable de soutenir la réalisation du plan de transformation». On devra désigner un «pilote» pour le projet de compression et le nommer responsable d'un «bureau de projet» consacré à cet objectif.

Dans les 90 jours suivants, le rapport a aussi une longue liste d'exigences et se termine en proposant de «revoir le profil et la composition de l'équipe de direction générale à la lumière de la nouvelle CSDM en devenir».

«Faible niveau de maturité»

En juillet 2014, le MELS a exigé des commissions scolaires l'atteinte de l'équilibre budgétaire dès 2016-2017, ainsi qu'un effort de compression budgétaire applicable dès l'année 2014-2015. La contribution additionnelle requise de la CSDM s'élevait à 9,3 millions, ce qui lui permettait de faire un déficit d'environ 20 millions pour 2014-2015. Réunis en conseil en septembre, les commissaires avaient toutefois réduit la cible de 4,3 millions pour l'an dernier, tout en conservant l'objectif d'un budget équilibré pour 2016-2017.

Sur le plan de la gouvernance, note le rapport, la CSDM se démarque par «une forte présence du conseil des commissaires dans la gestion des affaires courantes. Les rôles et les responsabilités sont flous, ce qui ralentit le processus décisionnel et entrave la gestion courante». On ne trouve pas, à la CSDM, un «plan opérationnel annuel» qui définirait les priorités et les objectifs. Les difficultés d'organisation de la CSDM à l'égard de la commande de Québec montrent «un faible niveau de maturité» dans l'organisme.

Impossible, dit la CSDM

Il est impossible de faire disparaître le déficit de la CSDM et d'avaler la nouvelle série de compressions sans toucher aux services aux élèves, maintient Catherine Harel Bourdon, la présidente de la CSDM, qui venait de parcourir le rapport quand La Presse l'a jointe hier.

Lors d'une rencontre, le 1er avril, le ministre Blais lui en avait donné les grandes lignes. Le début des frictions avec Québec remonte à l'automne 2014, alors que Québec avait annoncé ses compressions aux commissions scolaires une fois l'année scolaire entamée. Dans les pistes proposées pour les compressions, le rapport cible l'organisation pédagogique, propose «d'optimiser l'organisation scolaire» et de réduire le nombre de techniciens en éducation spécialisée. On revoit les ratios maîtres-élèves, les transports, autant de décisions qui affecteront les services éducatifs, explique Mme Harel Bourdon. «Tout ça touche les élèves. On peut se cacher la tête dans le sable, mais c'est ce que cela veut dire.»

La CSDM «part de loin quant au taux de diplomation», même si les derniers chiffres sont plus encourageants, soutient-elle. «Comme commissaires, on juge important de retourner à l'équilibre budgétaire. Cependant, entre les choix qu'on fait, la pression du sous-financement qu'on subit, on ne veut pas faire capoter le bateau. Il faut y aller par étapes, et le rapport rend aussi compte de l'effort considérable qui est fait», dit-elle.