Des professeurs, des étudiants et la CSN ont dénoncé hier la décision de l'UQAM de faire appel aux policiers sur le campus. Ils invoquent la tradition de non-intervention des policiers entre les murs de l'université. D'où vient cette tradition? A-t-elle des fondements juridiques? Quatre mots pour comprendre.

Moyen Âge

Les tensions entre les universités et la police ne datent pas d'hier... ni même d'avant-hier. «Elles préoccupaient déjà au Moyen Âge!», explique l'avocat montréalais Julius Grey. Dès l'an 1200, l'Université de Paris obtient le statut de «sanctuaire», ce qui la soustrait à l'autorité de la police locale, écrivent Donald Goodman et Arthur Niederhoffer dans une étude sur la question, publiée dans la Yale Review of Law and Social Action. «L'Église a accordé son statut clérical à tous les étudiants et les maîtres de l'Université, qui ont ainsi obtenu le droit d'être jugés devant des tribunaux ecclésiastiques plutôt que devant des tribunaux de juridiction civile.»

Juridique

De nos jours, la notion de sanctuaire n'a pas de fondement juridique, affirme Me Julius Grey. «Il n'y a pas de loi qui exclut l'université de l'application des lois ordinaires, dit-il. Or, il y a, depuis des centaines d'années, une tradition de réticence à intervenir sur les campus.» Me Grey était président de l'association des étudiants de l'Université McGill à la fin des années 60. «Le recteur, le Dr Robertson, appelait souvent la police pour lui dire que, sauf en cas de grande urgence, McGill pouvait s'occuper de ses problèmes en famille. Tout ça alors que les étudiants occupaient son bureau. Chaque matin, il allait leur faire un sourire, et il partait.»

Regrettable

«Il est regrettable d'en arriver au point où l'on fait appel aux policiers» pour régler des problèmes à l'université, estime Jacques Hamel, professeur de sociologie à l'Université de Montréal et professeur associé à l'Observatoire Jeunes et Société. M. Hamel remarque que l'Université de Montréal a aussi fait appel aux policiers durant le printemps érable, en 2012. «C'est un geste qui a été mal perçu au sein de l'université», dit-il. Il déplore aussi le morcellement du militantisme étudiant, et la radicalisation des manifestants masqués. «Avant, le recteur pouvait négocier avec une association. Aujourd'hui, pour les 250 étudiants en sociologie de l'UdeM, il y a trois associations, avec leurs revendications distinctes.»

Discernement

En France, où s'est développée la notion de sanctuaire, la police est aujourd'hui libre d'agir dans les universités. La Fédération des autonomes de solidarité laïques, qui regroupe 500 000 enseignants français, précise: «La police peut intervenir en toute légalité dans les établissements scolaires. L'intervention des forces de police doit être conduite en tout état de cause avec discernement et une véritable concertation préalable.»