Des hausses de taxes se profilent dans 40% des commissions scolaires. Et partout, des coupes dans les services aux élèves paraissent inévitables.

Déposé jeudi, le deuxième budget Leitao contient des compressions records de 350 millions de dollars pour les 72 commissions scolaires du Québec, selon leur fédération (FCSQ). Le budget de l'éducation augmente d'à peine 0,2%.

En conférence de presse jeudi, le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, a voulu relativiser les coupes en disant que «les commissions scolaires vont voir leurs revenus augmenter à cause des valeurs foncières».

«Je suis découragée d'entendre ça. Il a été mal informé, M. Coiteux!», a répliqué hier la présidente de la FCSQ, Josée Bouchard. Dans bien des cas, comme celui de la commission scolaire du Lac-Sain-Jean, où elle siège, Québec réduit ses subventions de péréquation d'une somme équivalant aux revenus supplémentaires tirés de la hausse de la valeur foncière.

Elle a ajouté qu'en vertu du calcul complexe de la fiscalité scolaire, les revenus que peuvent toucher les commissions scolaires grâce aux taxes sont soumis à un maximum.

Seuil maximal déjà atteint

Une autre disposition légale prévoit qu'une commission scolaire ne peut imposer les contribuables à un taux supérieur à 35 cents du 100$ d'évaluation. Or 33 commissions scolaires ont déjà atteint ce seuil maximal, à l'heure actuelle.

En tenant compte de tous ces facteurs, 29 des 72 commissions scolaires (40%) ont le pouvoir d'augmenter les taxes scolaires, a indiqué Josée Bouchard. Ce sont celles qui subissent encore l'impact de l'abolition progressive d'un programme de péréquation qui avait été créé en 2006 pour éviter des hausses de taxes importantes en raison de l'appréciation importante des valeurs foncières. Cette abolition, échelonnée sur trois ans, avait commencé sous le gouvernement Marois.

Le budget Leitao est «une incitation à hausser les taxes», a accusé Carole Lavallée, présidente de la commission scolaire de Marie-Victorin, sur la Rive-Sud. Cette commission scolaire, qui n'est plus affiliée à la FCSQ, les a déjà augmentées de 15% en 2013-2014 et de 9% cette année. Une nouvelle hausse se dessine. Les compressions se chiffreraient dans son cas à 10,5 millions. «C'est difficile de couper autant d'argent en une seule année», a dit Mme Lavallée. Il est impossible de demander aux contribuables de payer l'ensemble de la facture: la hausse de taxes serait beaucoup trop salée.

Carole Lavallée était directrice de cabinet de la ministre péquiste Marie Malavoy, en 2013, lorsque les commissions scolaires avaient refilé la quasi-totalité des compressions de 200 millions de dollars aux contribuables. Mme Malavoy leur avait demandé d'en rembourser la moitié, ce qui n'a jamais été fait. «Ça fait trois ans de ça. Maintenant, la situation est différente. On parle de coupes par-dessus coupes. De la marge, il n'y en a plus», a affirmé Mme Lavallée. Le premier budget Leitao a imposé des compressions de 150 millions pour 2014-2015.

4,4% de coûts administratifs

Josée Bouchard fait valoir que les coûts administratifs des commissions scolaires représentent maintenant 4,4% (440 millions) de l'ensemble de leur budget. Les trois quarts de l'enveloppe totale de l'éducation sont destinés à payer les salaires du personnel de tout le réseau scolaire.

Les dirigeants de la FCSQ - dont la présidente de la Commission scolaire de Montréal Catherine Harel Bourdon - ont conclu hier lors d'une rencontre que les nouvelles compressions sont une «catastrophe». «Tout le monde est déprimé. Avec la hauteur des compressions, les présidents me disent qu'on ne voit pas comment on va pouvoir maintenir tous les services directs aux élèves. On a commencé à y toucher l'an passé. Et le gouvernement ne pourra pas dire: «Vous n'avez pas le droit de toucher aux services.» Ça, c'est bien clair», a soutenu Josée Bouchard. L'aide aux devoirs est l'un des services qui ont écopé au cours de la dernière année. Le gouvernement Couillard avait donné sa «bénédiction» à des coupes dans les services aux élèves en difficulté en réduisant l'allocation destinée à l'adaptation scolaire, a signalé Carole Lavallée.

74 millions de moins pour les garderies

Le cabinet de la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, a passé hier au réseau des services de garde une commande de compressions de 74 millions de dollars. Cette commande fait évidemment suite au budget Leitao. Les centres de la petite enfance subissent une coupe de 49,2 millions, les garderies privées subventionnées de 22,5 millions et les bureaux coordonnateurs de la garde en milieu familial de 2,3 millions. Québec avait déjà réduit de 100 millions les budgets de services de garde, l'an dernier. La hausse du tarif, modulée selon le revenu familial et annoncée en décembre, ne leur profitera pas. Québec garde pour lui les revenus supplémentaires de 160 millions par an.