Alors que des écoles de Rosemont implosent et que des classes dans des roulottes ont dû être ajoutées à certains endroits, des parents du quartier s'inquiètent: où mettra-t-on les enfants qui habiteront dans les projets immobiliers en construction ou prévus à court terme?

«Il y a le Technopôle, le mégaprojet domiciliaire présentement en construction aux coins de Saint-Joseph et  de Molson, le projet U31 à côté du Canadian Tire, en plus de tous les terrains vacants se transformant en édifices de condos. Les écoles débordent déjà dans le quartier, l'une d'entre elles doit fermer en raison des moisissures, mais aucune nouvelle école ne figure au plan d'urbanisme. On n'est pas sortis du bois!», s'inquiète Caroline Chartrand, qui enseigne dans le quartier et attend son deuxième enfant.

«On nous assure que les projets de condos ne compteront presque pas d'enfants, que ce seront des petites unités, mais des enfants sont pourtant dessinés sur les croquis qui publicisent la vente des futurs condos du Technopôle!», ajoute-t-elle.

Lyne Duhaime, présidente du conseil d'établissement de l'école Saint-Jean-de-Brébeuf, partage son inquiétude. Les enfants et les enseignants sont déjà très à l'étroit. «Le service de garde perd des locaux, alors les jeunes doivent rester dans le même local toute la journée. Chacun fait des miracles, mais ce manque d'espace, ça risque d'attiser des tensions.»

Déjà, raconte-t-elle, entre écoles, on commence à se regarder de travers quand l'une ou l'autre est appelée à accueillir le trop-plein d'enfants d'une école voisine. «Que des écoles en viennent à se dresser les unes contre les autres, ce n'est pas souhaitable», dit-elle.

Très mobilisés, des comités de parents du quartier Rosemont multiplient les actions pour se faire entendre: le ministre de l'Éducation a été interpellé, de même que les députés Jean-François Lisée et Françoise David.

Pas de «bonne planification»

Le député de Rosemont Jean-François Lisée affirme que «les parents ont raison de s'inquiéter. Qu'il y ait développement immobilier, c'est une bonne nouvelle, mais encore faut-il que les écoles suivent. Or, avec les compressions du gouvernement Couillard, ce n'est pas le cas, et il n'y a pas de bonne planification urbaine».

Le maire de l'arrondissement de Rosemont, François Croteau, représente Projet Montréal, un parti qui se plaint régulièrement du fait que des projets immobiliers naissent sans qu'on ne pense à ajouter des écoles.

Vrai, pour les projets Angus et Griffintown, il y a eu manquement: on a construit des résidences sans prévoir d'école. Mais actuellement, dans Rosemont, M. Croteau ne prévoit aucune pression importante supplémentaire, puisque bon nombre des logements projetés sont de petites unités ou sont prévus pour des personnes âgées.

De toute façon, pour le reste, dit-il, «il n'y a pas de terrain disponible pour des écoles dans Rosemont-La Petite-Patrie».

Des effets difficiles à prévoir

Cela dit, à la Commission scolaire de Montréal (CSDM), on multiplie dans ce quartier les projets d'agrandissement d'écoles. D'ailleurs, «on croise les doigts pour que notre demande d'ajout de 10 locaux à l'école Saint-Albert-le-Grand soit acceptée par le ministère de l'Éducation», signale la présidente Catherine Harel-Bourdon.

Avec les divers agrandissements prévus ou espérés, la CSDM croit qu'elle aura de la place pour les 700 à 800 élèves de plus qu'elle prévoit d'ici 4 ans, mais l'effet des nouvelles constructions est difficile à prévoir, admet-elle.

«Les familles font aujourd'hui des choix différents, dit Catherine Harel-Bourdon. L'idée que les condos ne comptent pas d'enfants, ça ne tient plus dès lors que les unités comptent plus de deux chambres.»

Au ministère de l'Éducation, Yasmine Abdelfadel, attachée de presse du ministre Yves Bolduc, reconnaît que les besoins sont importants à Montréal, dans la couronne nord et sur la Rive-Sud. «Nous nous assurons de répondre aux besoins les plus urgents et nous avons d'ailleurs annoncé l'an dernier 250 millions pour l'agrandissement ou la construction de nouvelles écoles, qui se trouvent beaucoup dans ces régions. Il revient aux commissions scolaires de nous faire part de leurs besoins.»

La Ville doit-elle subventionner la construction d'écoles?

«Est-ce le rôle de la Ville de subventionner le gouvernement du Québec dans la construction d'écoles?», demande Russell Copeman, maire de l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce et responsable de l'urbanisme au comité exécutif de la Ville.

Le cas du quartier Rosemont n'est pas unique, et les préoccupations qui y sont soulevées sont les mêmes que dans d'autres quartiers où il y a de nouveaux ensembles résidentiels.

Le plan d'urbanisme prévoira-t-il une école dans le futur quartier Blue Bonnets? Y aura-t-il assez d'écoles dans Rivière-des-Prairies si le train de l'Est y attire quantité de familles? Quelle école fréquenteront les enfants dont les parents emménagent dans le secteur Namur-De-la-Savane?

Comme l'explique M. Copeman, dans le cas de nouveaux ensembles immobiliers, «on ne peut pas forcer un promoteur à donner du terrain pour une école».

La Ville n'est pas tenue non plus de céder des terrains pour bâtir de nouvelles écoles. La règle actuelle veut que si la Ville cède son propre terrain, elle le fasse en fonction de sa valeur marchande. «Serait-il envisageable, pour le bien public, de réaliser la transaction en dessous de la valeur marchande, ce que l'on fait pour le logement social? La réflexion doit être faite», dit-il. Il souligne que cela équivaudrait cependant à subventionner directement le gouvernement du Québec.

«On est vraiment le dindon de la farce», déplore pour sa part Diane Lamarche-Venne, présidente de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys.

Pas de terrain

Sa commission scolaire a récemment obtenu une garantie de financement gouvernemental de 28,5 millions pour construire deux nouvelles écoles à LaSalle et à Pierrefonds-Roxboro. Le hic: aucun terrain n'a été trouvé pour construire les deux écoles.

«Je comprends les élus de vouloir densifier le territoire et récolter des taxes en favorisant les projets de développement immobilier. Mais moi, personne ne me consulte. Je suis à leur merci», ajoute Mme Lamarche-Venne.

Ces questions sont de réelles préoccupations, assure pourtant M. Copeman, «parce qu'on veut vraiment des quartiers avec une belle qualité de vie».

Pour l'instant, un comité de travail a été mis en place pour faciliter le dialogue entre les commissions scolaires et la Ville de Montréal.

- Avec Tristan Péloquin