Les commissions scolaires se livrent à une «course» pour obtenir des diagnostics d'élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EHDAA) et ainsi toucher plus de subventions. C'est ce qui explique en partie l'explosion du nombre de diagnostics, estime Québec.

Le gouvernement Couillard entend par conséquent revoir les modalités du financement des services destinés aux EHDAA, a appris La Presse.

Le ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, reconnaît du bout des lèvres un certain surdiagnostic, phénomène mis en lumière par des spécialistes dans un dossier paru dans La Presse, hier. «L'article faisait mention que, dans certains cas, peut-être qu'il y a du surdiagnostic. Moi, je crois qu'il y a plusieurs enfants qui ont vraiment les bons diagnostics, mais il faut les évaluer comme il faut. Puis il faut s'assurer aussi qu'ils reçoivent les services essentiels», a-t-il affirmé à l'Assemblée nationale, hier.

Hausses importantes

L'an dernier, on dénombrait 179 656 EHDAA dans les écoles du Québec, selon les plus récentes statistiques du ministère de l'Éducation. C'est une hausse de 53% en 10 ans. L'augmentation dépasse 100% dans le cas des élèves handicapés, qui sont 37 000 sur les bancs d'école à l'heure actuelle.

Les EHDAA représentent maintenant 20% de tous les élèves, contre 12% il y a 10 ans.

Le financement des EHDAA s'élevait à 2,1 milliards de dollars en 2012-2013, deux fois plus qu'au début des années 2000. «Il y a eu beaucoup d'investissement au cours des dernières années. Et on reconnaît qu'on devra en faire plus. On va y aller selon les capacités du gouvernement à payer», a indiqué Yves Bolduc.

Selon un document obtenu par La Presse, Québec veut procéder à une «révision des modalités» du financement concernant les EHDAA.

Davantage de subventions

Pour chaque EHDAA qu'elle déclare, une commission scolaire reçoit une allocation de base qui varie de 10 000$ à un peu plus de 18 000$, selon le handicap identifié par un «code de difficulté». Cette allocation est de 5000$ pour un élève régulier.

Or, dans un document qui a été produit par le gouvernement et qui circule à la Commission de révision permanente des programmes, Québec affirme que les commissions scolaires cherchent à obtenir des diagnostics afin de recevoir plus de subventions.

«Le fait que le financement pour un élève handicapé soit supérieur à celui pour un élève régulier pousse certaines commissions scolaires à organiser leurs services en fonction du code reconnu au lieu de le faire en fonction des besoins et capacités des élèves. On assiste alors à une certaine "course aux codes" afin d'obtenir du financement supplémentaire, ce qui pourrait expliquer, en partie, l'augmentation continue du nombre d'élèves déclarés handicapés et de leur part relative au sein de l'effectif scolaire», peut-on lire dans un document obtenu par La Presse.

Inquiétudes

Québec est perplexe sur l'explosion du nombre de diagnostics. Yasmine Abdelfadel, attachée de presse du ministre Bolduc, déclarait d'ailleurs à La Presse qu'«on espère que ces chiffres renvoient à des besoins réels d'enfants nécessitant une aide particulière, et non pas à des considérations administratives ou financières».

Le ministère de l'Éducation vérifie chaque année si les codes déclarés sont conformes aux règles. Un dossier par nouvel élève diagnostiqué doit être créé. En 2012-2013, 8600 des 37 000 codes déclarés ont été validés. Mais selon Québec, ce processus est devenu trop lourd pour les écoles, les commissions scolaires et le Ministère. «Bien qu'aucune analyse approfondie ne fût réalisée, il s'avère qu'environ 40% du temps de travail des spécialistes en adaptation scolaire servirait à des tâches administratives», lit-on dans le document obtenu par La Presse.

La validation était réalisée jusqu'ici par les directions régionales du Ministère. Or le gouvernement Couillard vient tout juste de les abolir. Il doit donc revoir ses façons de faire.

«Le but n'est pas de remettre en question le niveau de financement des élèves handicapés, mais plutôt d'accroître l'efficacité de l'organisation des services en concentrant les efforts sur les services directs aux élèves, précise le document. Un nouveau mode de financement devrait également permettre de mettre fin au piège de la course aux codes.» On y parle d'«économies potentielles». «La révision des modalités de financement des EHDAA permettrait aussi de limiter la croissance des coûts associés actuellement observée. Ces économies ne seraient effectives qu'à compter de l'année scolaire 2015-2016», indique-t-on.