Le ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, a annoncé hier qu'il voulait modifier la loi sur l'enseignement privé parce qu'il s'inquiète des liens de l'organisation islamiste des Frères musulmans avec une école subventionnée dont son gouvernement défendait pourtant vigoureusement le projet éducatif il y a quelques années.

Cette volte-face est survenue en réaction à un reportage du Journal de Montréal selon lequel deux réseaux islamistes reliés aux Frères musulmans sont devenus les plus importants propriétaires d'immeubles abritant des écoles musulmanes au Québec.

Les écoles occupant les locaux de ces organismes ont reçu plus de 5 millions de dollars en subventions du Ministère entre 2009 et 2013.

L'Organisation des Frères musulmans est un mouvement mondial visant l'instauration de gouvernements religieux basés sur la loi islamique. En Palestine, ses adhérents ont formé le Hamas, un groupe armé qui est considéré par Ottawa comme terroriste en raison des moyens qu'il utilise pour combattre Israël. La Presse révélait récemment que la GRC enquête actuellement sur de possibles sympathisants canadiens du mouvement soupçonnés d'avoir financé le terrorisme.

Protéger les enfants

L'un des groupes qui se réclament des Frères musulmans au Canada est l'Association musulmane du Canada (MAC, selon l'acronyme anglais). Ses locaux à Saint-Laurent abritent l'école Dar Al-Iman, dirigée par le trésorier de l'association.

Hier, Yves Bolduc s'est montré préoccupé par la situation. Il a dit vouloir modifier la loi pour que tout dirigeant d'établissement scolaire fasse l'objet d'une évaluation sécuritaire qui déterminera s'il a des liens criminels ou «des comportements incompatibles avec sa tâche».

«Dès que le ministre a pris connaissance des allégations, il a agi rapidement et c'est tout à son honneur! On va s'assurer que les enfants ne soient pas sous l'emprise de quelque groupe, que ce soit les Frères musulmans ou toute autre organisation dont les idéaux sont incompatibles avec le système scolaire québécois» a précisé à La Presse la porte-parole du ministre, Yasmine Abdelfadel.

Mme Abdelfadel affirme que M. Bolduc ignorait jusqu'à tout récemment les liens de l'école Dar Al-Iman avec la MAC.

Or, ces liens avaient été l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale en 2010, à la suite d'un reportage du quotidien RueFrontenac.com qui dévoilait l'allégeance de la direction envers les Frères musulmans.

La députée péquiste Monique Richard avait dénoncé plusieurs fois en chambre les subventions versées à «une école associée à une philosophie qui prône des valeurs antisémites, anti-femmes, anti-gais, contraires aux valeurs de la société québécoise».

La ministre de l'Éducation de l'époque, Line Beauchamp, s'était levée à trois reprises pour défendre l'école qui, assurait-elle, respectait parfaitement les exigences pédagogiques québécoises.

«En terme de transmissions de valeurs, la députée semble dessiner un portrait qui n'est pas conforme à la réalité de ce qui se passe dans la salle de classe, heure après heure. L'école respecte en tous points le régime pédagogique québécois. L'exemple que je peux faire, c'est qu'on y enseigne éthique et culture religieuse», avait répliqué la ministre.

Yves Bolduc était à Québec ce jour-là pour un vote qui avait eu lieu plus tard dans la journée, mais son attachée de presse affirme qu'il n'a pas eu connaissance du vigoureux débat de ses collègues.

«Écoutez, ça fait cinq ans et il n'était pas encore ministre de l'Éducation. On n'est pas ici pour désavouer qui que ce soit et je ne commenterai pas les réponses de Mme Beauchamp», a déclaré la porte-parole du ministre Bolduc. Celle-ci ajoute d'ailleurs que le gouvernement péquiste de Pauline Marois n'a pas agi à ce sujet lors de son passage au pouvoir.