En dehors du Tribunal des droits de la personne, il est exceptionnel que les cours interviennent dans le fonctionnement interne d'une école. Plus tôt cette année, le Collège Jean-Eudes néanmoins a été obligé par la Cour supérieure de reprendre un élève turbulent qu'il avait expulsé. Ce dernier venait de recevoir un diagnostic d'autisme.

« Le tribunal est fort conscient de son devoir de n'intervenir qu'avec grande circonspection dans les décisions d'une institution d'enseignement et, surtout, dans la gestion de la vie étudiante et du respect des règles », a commencé par écrire le juge Louis Lacoursière dans son jugement.

Qu'est-ce qui l'a poussé à aller à l'encontre de ce grand principe ?

L'élève en cause, a écrit le juge Lacoursière, avait bien réussi ses quatre premières années du secondaire, en dépit de problèmes d'attention.

En cinquième secondaire, les choses se sont compliquées, aussi bien à l'école qu'à la maison.

Problèmes d'assiduité, non-respect du code vestimentaire, insolence envers des professeurs de même qu'envers ses parents : si le jeune ne se montre pas violent, il cause des problèmes.

Le 2 décembre, l'adolescent est placé en centre jeunesse.

« Le Collège s'attend à ce que l'élève soit absent pour une durée indéterminée, mais, à sa surprise, il est de retour en classe le lendemain, le 3 décembre », peut-on lire dans un extrait de la décision du juge Louis Lacoursière.

« Un pédopsychiatre [...] rencontre l'élève le 19 février 2014 et informe les parents le 25 février que leur fils est atteint d'autisme, niveau un. »

Le 27 février, lit-on encore, les parents disent avoir tenté d'inscrire leur fils dans une école publique qui reçoit beaucoup d'enfants autistes et qui a développé une expertise à ce sujet. Mais leur fils a refusé net, pris d'angoisse à l'idée de changer d'école.

Combat de principe

Le diagnostic d'autisme sera déterminant dans la décision du juge. « L'élève a déjà manqué 22 jours de scolarisation. Il y a urgence à intervenir. La perte de l'année scolaire est un préjudice sérieux. De plus, compte tenu de la condition particulière de l'élève, de l'anxiété qui y est inhérente et de l'incertitude quant à la façon dont il s'intégrerait à un autre milieu scolaire, il [le préjudice] est probablement irréparable. »

« La victoire est amère », dit aujourd'hui sa mère (que nous n'identifierons pas afin de préserver l'anonymat du jeune homme aujourd'hui au cégep).

Après avoir payé 3200 $ en droits de scolarité pendant cinq ans au Collège Jean-Eudes, les parents ont payé 45 000 $ en frais juridiques. « Ça nous a valu quatre années supplémentaires de paiements hypothécaires, on n'a pas reçu un sou en retour, on n'a pas reçu d'excuses, mais notre fils est diplômé », dit la mère.

Ce combat, dit-elle, elle l'a mené pour que son fils puisse poursuivre sa scolarité, mais aussi par principe, « pour éviter que d'autres parents vivent le même calvaire ».

Elle est très consciente que son fils était difficile, dérangeant, arrogant, mais il n'a jamais eu de comportements dangereux, dit-elle. Avant que son état mental ne se dégrade, il avait très bien fonctionné jusque-là.

De plus, comme la suite des choses l'a démontré - l'élève a réussi la plupart des examens du Ministère et a été admis au cégep -, son année pouvait être sauvée, ce qu'un changement d'école aurait nettement compromis, selon le jugement et selon la mère du garçon.

Un cas «vraiment particulier»

Le Collège Jean-Eudes a été invité à commenter cette situation. Son avocat Yann Bernard nous a joints pour nous dire que le Collège ne le souhaitait pas, sinon pour dire que ce cas était vraiment particulier et que le Collège comptait d'ailleurs en 2013-2014 cinq élèves autistes. Notons cependant que parmi ces cinq élèves, il y avait celui qui a été expulsé, de même qu'un autre jeune qui est parti étudier ailleurs en cours d'année.