« Les années où ma fille va moins bien et où elle n'a pas la force de se déplacer en béquilles, elle rate des dizaines de jours d'école par année. Ces jours-là, Leyla n'est pas scolarisée et l'école agit depuis des années comme si le problème n'existait tout simplement pas », explique sa mère, Cloé Robillard, qui a déposé une plainte à la Commission des droits de la personne.

Leyla souffre de dysplasie fibreuse des os, une maladie qui a été diagnostiquée quand elle avait 4 ans, tout juste avant son entrée à la maternelle. La maladie se manifeste chez elle par une tumeur qui se développe à l'intérieur de son tibia gauche et qui rend l'os de plus en plus friable et déformé. À la puberté, quand elle aura cessé de grandir, un chirurgien ira gratter la tumeur et redresser l'os.

Avant cela, sa jambe continuera de la faire souffrir et de se fracturer trois ou quatre fois par an.

Depuis six mois, à l'extérieur de l'école, Leyla se déplace presque toujours en fauteuil roulant. À l'école ? Impossible. L'école Saint-Jean-Baptiste, à Québec, n'est pas adaptée.

Mais pourquoi ne fréquente-t-elle pas une école adaptée ?

Mme Robillard l'a demandé à plusieurs reprises depuis que son enfant est en 1re année. La direction de l'école Saint-Jean-Baptiste, qui relève de la Commission scolaire de la Capitale, à Québec, lui a dit que c'était impossible parce que Leyla est limitée dans ses déplacements de façon intermittente et non de façon permanente. L'école adaptée de son quartier, où elle est allée plaider sa cause, lui a aussi dit que le transfert n'était pas possible.

«S'adapter à l'école»

Leyla fréquente donc toujours la même école qui, selon sa mère, n'a fait aucun effort réel et constant pour accommoder sa fille, même si de multiples plans d'intervention ont été faits au cours des ans. « Seulement l'an dernier, il y en a eu cinq. Aucun n'a réellement été mis en pratique. »

« Ma fille est entrée à la maternelle à 4 ans et depuis lors, c'est à elle de s'adapter à l'école et non l'inverse », résume Mme Robillard, à qui il est arrivé de transporter sa petite sur son dos pour la descendre de sa classe, à la fin de la journée.

Mme Robillard a demandé que la classe de sa fille soit au rez-de-chaussée, en vain. Les enseignants ont leur local attitré, s'est-elle fait répondre.

Les spécialistes recommandaient que Leyla soit accompagnée dans les escaliers, de même que pour monter dans l'autobus et en descendre, pour éviter qu'elle ne trébuche avec ses béquilles. Ç'a été accordé officiellement, mais dans les faits, ça ne se faisait que très, très rarement, dit Mme Robillard.

À la rentrée, Mme Robillard s'est mise à exiger que tout engagement de l'école se fasse par écrit. 

« Ça, on dirait que ça les a fait freaker. »

Après l'avoir demandé longtemps, sa fille peut maintenant entrer par la porte d'entrée principale de l'école plutôt que par la cour, ce qui lui épargne quelques étages (l'école est dans une pente). Elle est finalement accompagnée dans les escaliers.

À la dernière rencontre, « qui a duré trois heures », Mme Robillard raconte que les solutions avancées par l'ergothérapeute et la physiothérapeute - notamment le recours à une rampe d'accès amovible de cinq pieds et à un élévateur pour fauteuil roulant de type Stair-Track - ont été refusées.

« La commission scolaire possède déjà un Stair-Track, mais il semble qu'elle craigne, entre autres, que ça coûte trop cher de batteries. »

La seule chose qui a été proposée, c'est que Leyla change d'école et aille à l'école Anne-Hébert qui est adaptée, « ce que j'ai demandé dès le début, ironiquement. Et c'est maintenant, en novembre, alors que l'année scolaire est déjà bien entamée, que ma fille aime son prof et ses camarades de classe, qu'on en arrive là ».

Mme Robillard envisage d'aller faire visiter l'école à sa fille, qui n'est pas trop enthousiaste à l'idée de voir sa vie être chambardée en cours d'année, mais qui aimerait vraiment pouvoir enfin aller dans la cour à la récréation, comme ses amis. 

Pas de commentaires de la commission scolaire

Appelée à donner sa version des faits, la Commission scolaire de la Capitale n'a pas offert de commentaires, soutenant qu'elle ne le pouvait pas, étant donné la confidentialité du dossier. (Elle s'y refusait même si la mère l'autorisait.) Marie-Hélène Dion, conseillère en communication, a simplement dit que ce dossier constituait la seule plainte liée à un problème d'accès à sa commission scolaire.