Audrey-Anne Dupont, 14 ans, est atteinte de paralysie cérébrale. Elle fréquente l'école secondaire Joseph-Charbonneau, dans Villeray, un établissement spécialisé pour les jeunes de 13 à 21 ans présentant des handicaps graves et multiples.

L'adolescente y est très bien encadrée, tant par ses professeurs que par les nombreux spécialistes qui l'accompagnent. Seul hic: Audrey-Anne, qui habite à Repentigny, doit affronter l'heure de pointe pour se rendre à l'école et en revenir. Le matin, l'autobus vient la cueillir à 6h40, près de deux heures avant le début des classes. Comme elle doit porter des couches, Audrey-Anne est souvent arrivée mouillée à l'école.

En 2011, la famille Dupont a reçu une excellente nouvelle: le ministère de l'Éducation a offert à la commission scolaire de leur territoire (des Affluents) une garantie de subvention de 12,9 millions pour construire une école destinée aux élèves lourdement handicapés. L'école accueillerait entre 80 et 100 élèves de niveau primaire et secondaire de Lanaudière et des Laurentides. Elle devait ouvrir en septembre 2012.

Plus de trois ans plus tard, l'école est loin d'accueillir ses premiers élèves. Si des consultations ont eu lieu et des plans ont été établis, la Commission scolaire des Affluents n'a toujours pas acquis officiellement de terrain, confirme son coordonnateur aux communications, Éric Ladouceur.

«La Ville de Terrebonne a réussi à nous trouver un terrain situé près de l'autoroute 640, mais il n'est pas encore développé, explique-t-il. Il n'y a pas de rue, pas d'infrastructures pour permettre la construction de l'école.»

Le projet sera mis en branle dès que le terrain sera disponible, assure M. Ladouceur, incapable, toutefois, d'établir un échéancier.

Sylvain Dupont est découragé. «La commission scolaire se bat pour avoir des budgets, mais elle a eu ce budget depuis longtemps et ne l'a toujours pas utilisé, dit-il. Pendant ce temps-là, les parents et les enfants attendent.»

«On comprend très bien la position des parents par rapport au transport de leurs enfants, assure Éric Ladouceur. Cette école ne sera pas un luxe pour eux.»

D'ici là, les jeunes de Lanaudière atteints de graves handicaps et nécessitant des soins de santé réguliers doivent se rendre dans les écoles Victor-Doré (primaire) ou Joseph-Charbonneau (secondaire), situées côte à côte à Montréal. Ces deux écoles, qui bénéficient d'un partenariat avec le Centre de réadaptation Marie Enfant, accueillent des jeunes de toute la région métropolitaine.

L'école Jean-Piaget, à Laval, accueille aussi des élèves handicapés.

Longs trajets

Audrey-Anne est loin d'être la seule enfant handicapée à faire de longs trajets. À l'école primaire Victor-Doré, 114 élèves sur 190 viennent de l'extérieur du territoire de la commission scolaire, indique la directrice de l'école, Anne Alexandre. Certains élèves viennent d'aussi loin que Lachute, Saint-Lin et Saint-Jérôme.

«Le transport est un phénomène qui est lourd, mais qui est lourd pour l'ensemble du territoire à couvrir, précise Anne Alexandre. Même sur le territoire de la CSDM, j'ai des enfants qui font une heure de transport.»

La construction d'écoles spécialisées en région pourrait alléger le transport et, par conséquent, la fatigue des élèves, convient Anne Alexandre. Mais encore faut-il que ces écoles offrent tous les services dont cette clientèle souvent très hypothéquée a besoin, dit-elle, soulignant qu'une école comme Victor-Doré coûte cher et implique des partenariats avec le réseau de la santé.

Des écoles pour les élèves handicapés existent ailleurs dans la région métropolitaine, comme l'école Jean-Piaget, à Laval, ou l'école Bel-Essor, à Longueuil. Comme les services offerts y sont moins pointus, les commissions scolaires envoient souvent les cas les plus lourds à Victor-Doré (sauf Laval, qui n'a plus d'entente de service avec l'école), souligne Mme Alexandre.

Si une nouvelle école est construite à Terrebonne, les parents d'Audrey-Anne seront donc mis devant un dilemme. «Est-ce que les services offerts seront les mêmes? Les heures d'ouverture seront-elles différentes? Y aura-t-il un service de garde?, se demande Sylvain Dupont. Pour l'instant, nous n'avons pas de réponse.»

Entre-temps, Sylvain Dupont se concentre sur les victoires d'Audrey-Anne: sa bonne santé, ce pot de yogourt qu'elle a fini ou cette crainte des appareils photo qu'elle a surmontée. «Elle n'a jamais baissé les bras. On n'a pas le choix: on ne doit pas baisser les bras non plus.»