Le ministère de la Famille s'apprête à mettre au pas les garderies réfractaires: elles seront bientôt obligées de se joindre au guichet unique centralisé destiné aux parents qui veulent obtenir des places pour leurs enfants.

Le gouvernement a mandaté la Coopérative Enfance Famille pour fusionner les listes d'attente de tous les Centres de la petite enfance (CPE) et garderies privées subventionnées, en vue de faire une seule liste d'attente pour tout le Québec. Le guichet unique vise à simplifier les démarches des parents, avec entre autres un seul site internet pour l'inscription, La Place 0-5.

Depuis juin, l'organisme s'affaire à regrouper les listes d'attente, mais rien ne force officiellement les installations à fusionner leur liste. Or, au début de l'automne, le ministère émettra une directive pour rendre obligatoire l'adhésion au guichet unique.

«Le service de garde est tenu de respecter les directives de la ministre», a expliqué la porte-parole du ministère de la Famille, Nathalie Lévesque, dans une entrevue à La Presse Canadienne diffusée dimanche.

Si l'établissement subventionné refuse, il s'expose à la diminution ou à l'annulation pure et simple de la subvention, ou à la suspension en tout ou en partie de son versement, a-t-elle précisé.

De son côté, la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, n'a rien à voir avec cette directive, selon ce qu'a fait savoir jeudi sa porte-parole, Lindsay Jacques-Dubé, qui parle plutôt d'une mesure purement administrative. La ministre doit néanmoins l'approuver, puisque c'est elle qui la signera.

Pour sa part, l'Association des garderies privées du Québec (AGPQ), qui regroupe aussi des établissements subventionnés, ne cache pas qu'elle ne voulait pas participer au guichet unique à l'origine. Son président, Sylvain Lévesque, estime qu'il y avait là «deux poids, deux mesures», parce que les garderies familiales ne sont pas tenues de participer, et par ailleurs, les gestionnaires ne voulaient pas renoncer à leur «liberté de gestion» dans leur entreprise privée.

«On avait adopté une résolution selon laquelle on ne voulait pas que le gouvernement nous impose une liste unique», a-t-il expliqué dans un entretien téléphonique récemment.

M. Lévesque soutient que, de toute façon, le guichet unique ne réglera pas le problème d'accessibilité auquel sont confrontés les parents. «C'est une façon déguisée de dire qu'on s'occupe des parents québécois, mais cela ne règle en rien le manque de places à 7 $. L'injustice que vivent les parents, c'est celle-là, parce qu'ils n'ont pas d'accès.»

Pour sa part, l'Association québécoise des CPE a évoqué les réticences de certains de ses membres, sans toutefois que cela ne prenne la forme d'un mouvement de contestation. «Au début, il y avait des inquiétudes (chez les membres), a confié la directrice des services juridiques de l'Association québécoise des CPE, Patricia Lefebvre. Les regroupements (de CPE) avaient des questions, mais de là à dire un tollé, je dirais que non.»

Les inquiétudes des gestionnaires de garderie portaient notamment sur la confidentialité, ainsi que l'ordre de priorité des inscriptions dans la liste, a précisé Me Lefebvre. À ce propos, sur la priorité d'admission, chaque service de garde a encore carte blanche, même avec la liste unique. Chaque établissement a sa propre politique d'admission, en vertu de critères qui peuvent être par exemple la priorité à la fratrie, la résidence dans le quartier, la recommandation par un Centre de santé et services sociaux. Peu importe la date d'inscription à la liste ou l'âge de l'enfant, l'admission reste donc assujettie à ces critères.

La Coopérative Enfance Famille a regroupé jusqu'à maintenant les listes d'un peu moins de 300 organisations, a dit la directrice des communications de l'organisme, Marie-Ève Dolbec. Elle vise à ajouter au moins 430 installations à la liste centrale d'ici à la fin de 2014 - ce chiffre correspond au nombre d'installations qui participent déjà à des guichets communs.

L'organisme commence son travail de récolte des listes sur le terrain et c'est une tâche colossale, a indiqué Mme Dolbec, et il revient maintenant au ministère de faire sa part pour inciter les corporations en service de garde d'emboiter le pas.

«Le ministère a un travail à faire de son côté», a commenté Mme Dolbec.

Au total, le guichet unique rassemblera pas moins de 2100 installations d'ici à la fin de 2015. «En 2015, on va aller chercher toutes les petites listes indépendantes pour s'assurer qu'aucun parent ne perde sa date d'inscription.»

Une poursuite a été déposée contre le gouvernement du Québec à propos du guichet unique. L'organisme Guichet unique d'inscription de l'enfant (GUIDE) conteste en effet le gain en appel d'offres à la Coopérative Enfance Famille. Le GUIDE soutient que les règles de l'appel d'offres n'ont pas été respectées. Des membres de l'AQCPE font partie de l'organisme GUIDE, notamment le Regroupement des centres de la petite enfance de Laval.