Aux prises avec une école privée juive d'Outremont qui continue de scolariser environ 200 élèves sans avoir le permis nécessaire, la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) a envoyé une lettre aux parents pour leur rappeler qu'ils ont l'obligation d'envoyer leurs enfants dans une école reconnue. La CSMB a même, à la mi-avril, alerté la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), a appris La Presse dans des documents obtenus grâce à la Loi sur l'accès à l'information.

«Vous avez jusqu'au 2 avril 2014 pour vous présenter à l'une ou l'autre de nos écoles afin que votre enfant soit scolarisé dès cette année. Si vous ne vous conformez pas à cette demande, nous serons dans l'obligation de signaler l'absence d'inscription de votre enfant aux Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw», dit la lettre, datée du 19 mars, que la CSMB a expédiée aux parents de l'Académie Beth Esther.

Le 31 mars, les avocats de l'établissement ont répliqué que la CSMB avait «clairement diffamé» l'Académie Beth Esther «en suggérant que les élèves qui la fréquentent et qui ont, année après année, démontré par leurs résultats aux tests du Ministère une acquisition de connaissances et de compétences qui dépassent les attentes, pourraient faire l'objet d'un signalement à des centres de la jeunesse».

Mais la CSMB a persisté. Le 14 avril, un signalement pour non-fréquentation scolaire a été fait au Centre de la jeunesse et de la famille Batshaw.

La directrice de la protection de la jeunesse du Centre Batshaw, Madeleine Bérard, n'a voulu ni confirmer ni infirmer le signalement: «Je ne peux rien vous dire sur un cas précis, la loi me l'interdit.»

Mme Bérard a toutefois confirmé que les DPJ ont le mandat d'intervenir dans les cas de non-fréquentation scolaire, quand la sécurité ou le développement de l'enfant peuvent être compromis. «Les régions du Québec interviennent différemment dans ces dossiers. Nous regardons l'impact de la non-scolarisation sur l'enfant. S'intègre-t-il à la société? Passe-t-il les examens du Ministère?», illustre Mme Bérard, qui précise que l'analyse de ces dossiers est toujours «délicate».

Un rapport de la Commission consultative de l'enseignement privé publié à la fin de 2010 indique qu'à l'Académie Beth Esther, les arts, le cours Éthique et culture religieuse et le cours d'éducation physique sont intégrés aux études juives. Parmi les 23 enseignants, seulement 4 détenaient un brevet d'enseignement. De plus, l'établissement n'offrait que 17,5 heures de cours au primaire et 13 heures au secondaire, soit nettement moins que les 25 heures prescrites par le ministère de l'Éducation.

Toutes ces lacunes font en sorte que l'école n'a plus de permis depuis le 1er juillet 2012. Pourtant, selon les documents obtenus par La Presse, des élèves continuent de la fréquenter.

En novembre 2013, le ministère de l'Éducation a demandé à l'établissement de cesser ses activités scolaires et de fournir la liste de ses élèves à la CSMB pour qu'ils puissent poursuivre leur scolarité dans le réseau.

Selon des documents, l'établissement s'est renseigné auprès du ministère de l'Éducation sur la marche à suivre pour récupérer son permis. Mais l'Académie Beth Esther doit encore franchir plusieurs étapes avant d'y arriver.

«Outre le fait qu'il devra démontrer qu'il a corrigé les lacunes ayant mené au non-renouvellement de son permis, l'établissement ne pourrait, au meilleur des cas, obtenir l'autorisation d'offrir des services éducatifs qu'à compter de l'année scolaire 2015-2016. Le problème de fréquentation scolaire demeure donc entier pour les années scolaires 2013-2014 et 2014-2015», écrit le directeur par intérim de l'enseignement privé au ministère de l'Éducation, Ugo-Mercier Gouin, dans une lettre datée du 27 février.

L'avocat de l'Académie Beth Esther, Sébastien Dorion, n'a pas voulu commenter en détail le dossier.

- Avec la collaboration de Serge Laplante 

Ce que dit la Loi sur l'instruction publique

Tout enfant résidant au Québec âgé de 6 à 16 ans doit fréquenter une école publique, ou encore une école privée titulaire d'un permis délivré en vertu de la Loi sur l'enseignement privé, à moins d'en avoir été exempté par la commission scolaire pour des raisons prévues dans la loi. Les parents doivent prendre les moyens nécessaires pour que leur enfant remplisse son obligation de fréquentation scolaire.