Le 82e congrès de l'Association francophone pour le savoir (ACFAS) bat son plein cette semaine à l'Université Concordia. Plus de 5000 chercheurs d'une quarantaine de pays y participent. Notre journaliste couvre l'événement.

Les futurs enseignants sont optimistes quant à leurs capacités d'enseigner la grammaire, selon une étude de l'UQAM. Et ce, malgré des recherches récentes montrant que les instituteurs du primaire et du secondaire n'enseignent toujours pas correctement la nouvelle grammaire, introduite voilà 10 à 15 ans au Québec.

«Les étudiants en enseignement sont très positifs quant à leur rapport à la grammaire, et ils sont encore plus positifs quand ils pensent à la manière dont ils vont l'apprendre à leurs futurs élèves», explique Isabelle Gauvin, une professeure en sciences de l'éducation qui présentait ses résultats préliminaires au congrès de l'ACFAS. «Maintenant, nous allons les filmer durant leurs stages. Il est possible qu'ils n'appliquent pas la nouvelle grammaire aussi bien qu'ils ne le pensent.»

Une étude de l'Université Laval montrait il y a deux ou trois ans que les enseignants mélangent grammaires traditionnelle et nouvelle dans leurs cours. Certes, ils ne parlent plus de «complément d'objet direct ou indirect» ou de «complément circonstanciel», mais ils utilisent la notion de «groupe sujet», qui selon Mme Gauvin «confond fonction et catégorie».

Comme en mathématique

La nouvelle grammaire en français est apparue à la faveur des recherches en linguistique à partir du milieu du XXe siècle. «Avant, la grammaire partait des relations de sens», comme les compléments circonstanciels, dit Mme Gauvin. Cela provenait du latin, qui donne une déclinaison différente pour chacun des sens (nominatif, accusatif, génitif, datif, ablatif). «Aujourd'hui, on parle des propriétés syntaxiques, dit Mme Gauvin. On utilise les propriétés grammaticales comme on fait des mathématiques. Les garçons semblent avoir plus de facilité de cette manière.» À ceux qui regrettent la disparition des compléments circonstanciels, Mme Gauvin répond en faisant un parallèle avec les sciences: les élèves d'aujourd'hui n'apprennent plus que Pluton est une planète, à cause des avancées en astronomie.

La nouvelle grammaire se veut aussi plus proche du «locuteur né». Par exemple, au lieu de chercher le complément d'objet direct dans la phrase «la robe que maman porte» en posant les questions «qui, quoi», comme dans la grammaire classique façon Grévisse, on tente de transposer la phrase en utilisant une autre formulation, sur le modèle de «c'est la robe que maman porte», comme le feraient de jeunes enfants. Avec la grammaire traditionnelle, les élèves faisaient parfois des erreurs, par exemple avec la phrase «le monsieur a sorti son parapluie», en disant «le monsieur a quoi?» et en concluant que le complément d'objet direct est «sorti», alors que c'est «parapluie», relate Mme Gauvin.

Nouvelle ou traditionnelle?

La nouvelle grammaire est apparue en Suisse, avant d'être introduite au secondaire au Québec en 1998, puis en 2004 au primaire avec la réforme de l'enseignement du français. Par contre, l'enseignement aux adultes utilise toujours la grammaire traditionnelle, une aberration selon Mme Gauvin. En France, la nouvelle grammaire est moins utilisée, alors que la Belgique a utilisé une grammaire modernisée différente de celle des autres pays francophones.

Était-il absolument nécessaire de changer la grammaire? «Avec le Grévisse, les locuteurs lettrés fonctionnaient bien, mais pas les autres», dit Mme Gauvin.

Les élèves font-ils moins de fautes avec la nouvelle grammaire? «Quelques études montrent que oui, mais beaucoup ne sont pas concluantes, dit Mme Gauvin. Le problème, c'est qu'on ne sait pas si les enseignants utilisent bien la nouvelle grammaire. Alors on ne peut pas conclure que la nouvelle grammaire ne fonctionne pas.» Une autre étude que Mme Gauvin mène avec quatre petits groupes d'élèves, où la manière d'enseigner la grammaire nouvelle sera mieux contrôlée, pourrait donner la réponse définitive à l'été 2015. À noter que l'étude de Mme Gauvin sur les étudiants en enseignement ne tiendra pas compte de leurs résultats à leur examen de fin d'études de français.