Un candidat aux études en médecine qui parle couramment la langue d'enseignement devrait-il être avantagé? La question soulève les passions dans la communauté anglophone de Montréal, où certains s'estiment lésés au profit des francophones.

Pendant que l'Université McGill s'efforce d'éliminer les barrières linguistiques, l'Université de Montréal continue d'exiger une très bonne compréhension du français dans son processus d'admission en médecine.

En 2010, la faculté de médecine de McGill a modifié son processus d'admission afin d'augmenter la diversité des candidatures. McGill a abandonné le Medical College Admission Test, un examen répandu dans les facultés américaines et canadiennes. Onéreux et offert en anglais uniquement, le test désavantageait les candidats francophones et les moins nantis.

Les demandes doublent

Résultat: le nombre de demandes d'admission a pratiquement doublé entre 2009 et 2013. Comme les francophones sont plus nombreux à envoyer des demandes, leur proportion en première année de médecine a augmenté de 5 %, passant de 30,7 % en 2010 à 35,7 % en 2013 (environ neuf étudiants de plus). Il y a 10 ans, moins d'un étudiant sur quatre était francophone en première année de médecine à McGill. De leur côté, les étudiants de langue maternelle anglaise ont vu leur proportion diminuer de 48,3 % en 2010 à 41,6 % en 2013.

Des membres de la faculté de médecine ont accusé la direction de privilégier indûment les francophones et les membres de minorités ethniques au détriment des anglophones. «La communauté anglophone, qui a soutenu McGill pendant 150 ans, se fait poignarder dans le dos», a dit à The Gazette une ancienne professeure de la faculté, furieuse que sa fille talentueuse n'ait même pas été conviée à l'entrevue.

La faculté de médecine a commandé une révision externe de son nouveau processus d'admission. Rendu public ce printemps, le rapport conclut que la façon de faire de McGill est «hautement raisonnable» et «défendable». Il recommande toutefois à la faculté de séparer le service des admissions et celui responsable d'augmenter la diversité ainsi que de mieux communiquer les changements dans son processus de sélection pour éviter les «mauvaises interprétations».

McGill n'avantage aucunement les candidats francophones ou ceux issus de minorités culturelles, précise le doyen de la faculté de médecine, David Eidelman. «Il n'y a pas quota. Les critères sont les mêmes qu'avant. C'est devenu plus difficile d'être accepté, parce que le nombre de demandes a augmenté», résume-t-il.

La faculté a tenu une assemblée la semaine dernière pour bien expliquer son processus d'admission.

McGill ou rien d'autre

Les anglophones du Québec ont peu d'options pour étudier la médecine. Les facultés des autres universités canadiennes privilégient les candidats locaux, tandis que «les trois autres facultés de médecine au Québec demandent de parler couramment le français», peut-on lire dans la révision externe.

À l'Université de Montréal, les étudiants qui n'ont pas fait l'épreuve uniforme de français à la fin de leurs études collégiales doivent passer le Test de français international (TFI), un examen de compréhension orale et écrite. Pour être admis en médecine, ils doivent obtenir au moins 86 %. (Les candidats qui ont fait leurs études primaires et secondaires en français peuvent demander une dérogation.)

L'Université de Montréal n'est «pas complètement fermée» à l'idée de revoir ce critère d'admission, indique Christian Bourdy, vice-doyen aux études médicales de premier cycle. «Mais pour le moment, dit-il, notre exigence du français est importante. Dès le départ, les étudiants en médecine doivent apprendre en petits groupes et vont en milieu hospitalier. Ils doivent être capables de bien comprendre et de bien être compris.»

Les deux autres facultés de médecine (Laval et Sherbrooke) font aussi passer le TFI aux candidats qui ne viennent pas du réseau scolaire francophone. Contrairement à l'UdeM, ces deux universités admettent des candidats qui n'obtiennent pas une note suffisante, mais ceux-ci doivent parfaire leur apprentissage du français pendant leurs études.

Objectif: diversité

Toutes les facultés de médecine canadiennes sont tenues de prendre des mesures pour diversifier le profil de leurs étudiants afin de mieux refléter la réalité culturelle et socioéconomique de leur milieu. Il s'agit d'une condition pour maintenir leur accréditation au Comité d'agrément des facultés de médecine au Canada et au Comité de liaison sur l'éducation médicale, aux États-Unis. Récemment, l'Université de Montréal a lancé un programme de jumelage entre ses étudiants et des élèves d'écoles secondaires défavorisées ou multiethniques de Montréal.