Le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) recommande au ministre de ne pas aller de l'avant avec l'introduction d'un cours d'histoire obligatoire dans les programmes menant à l'obtention d'un diplôme d'études collégiales (DEC).

Dans un avis rendu public mardi, le CSE fait valoir que cette modification réglementaire aurait pour effet de réduire la zone de choix des étudiants, d'uniformiser davantage la formation générale et de diminuer l'autonomie des établissements.

L'organisme précise que son avis défavorable n'est donc pas lié à la nature du cours en tant que tel, mais qu'il est plutôt motivé par le fait que le cours d'histoire du Québec en remplacerait un autre - en l'occurrence, un cours complémentaire.

Le CSE se dit préoccupé par «la croissance de la part d'obligation dans le curriculum de l'enseignement collégial, l'attrition de la part de choix de l'étudiante ou de l'étudiant dans son projet d'études, l'étiolement de l'autonomie des établissements d'enseignement collégial et la définition prescriptive de ce qui devrait faire partie de la formation générale».

En cela, l'avis de l'organisme rejoint les préoccupations formulées par divers acteurs du milieu collégial, dont la Fédération nationale des enseignantes et enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), qui avait demandé un moratoire sur l'implantation du cours.

«Le CSE met le doigt sur un bobo important. Dans la formation générale, il y a tout un bout complémentaire qu'on était en train de vider complètement de substance», a exposé Caroline Senneville, présidente du regroupement syndical qui représente 85% des professeurs de cégep.

«C'est un équilibre, ce qu'il y a à l'intérieur de la formation générale. En venant remplacer comme ça sans débat public un jeton par un autre, ça venait vraiment briser cet équilibre-là», a poursuivi la leader syndicale.

Même son de cloche du côté de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ). Selon la présidente du regroupement étudiant, Éliane Laberge, la formation complémentaire est l'une des façons, pour les cégépiens, d'élargir leurs horizons ou d'accéder à un programme universitaire en complétant leur formation.

«On avait réfléchi à certaines solutions alternatives ressemblant à celles proposées (dans l'avis du CSE), soit d'approfondir les apprentissages dans des cours spécifiques ou encore de s'assurer que dans tous les collèges, il y ait une offre de cours complémentaire en histoire contemporaine, ce qui n'est pas le cas présentement», a souligné Mme Laberge.

Le projet de cours d'histoire obligatoire était l'une des marottes de l'ancien ministre péquiste de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, qui jugeait «criantes» les carences des collégiens sur le Québec et son histoire.

Mais ce n'est pas pour maintenir le statu quo que le Conseil suggère de ne pas procéder à la modification envisagée. Au contraire: il y aurait peut-être lieu de revoir la formation générale, qui est demeurée inchangée depuis 1993, peut-on lire dans l'avis.

«La présente volonté du ministre (de l'époque, M. Duchesne) s'ajoute à d'autres exprimées depuis la création des collèges quant à la nécessaire révision de la formation générale. Pourtant, hormis les changements dont elle a fait l'objet en 1993 et qui ont préservé le socle sur lequel elle reposait, la FG (formation générale) n'a pas connu de transformations profondes», souligne-t-on dans le rapport.

Se refuser à «faire évoluer» la formation générale dispensée dans les établissements collégiaux du Québec «témoignerait d'une incapacité structurelle à aborder le changement, à l'antithèse même des idéaux qui ont donné naissance aux collèges», fait valoir le CSE.

La Fédération des cégeps, qui a accueilli «extrêmement favorablement» l'avis du Conseil, fait la même analyse.

Cette piste d'action figurait d'ailleurs parmi les demandes du milieu collégial dans les suites du Sommet sur l'enseignement supérieur de février 2012.

«On avait demandé la réflexion et la mise à jour de l'état des lieux sur la formation générale obligatoire. Donc si on ne la rattrape pas par le cours d'histoire, cette réflexion-là, on va la rattraper dans les travaux qu'on mène actuellement», a déclaré le président-directeur général de la Fédération, Jean Beauchesne.

L'organisation ne veut pas avancer d'échéancier, mais espère arriver à proposer un nouveau cadre d'ici environ deux ans, selon M. Beauchesne, qui dit avoir hâte de rencontrer le nouveau ministre de l'Enseignement supérieur, Yves Bolduc, afin d'en discuter.

Alors qu'ils étaient au pouvoir, les péquistes souhaitaient que le nouveau cours d'histoire obligatoire soit instauré à l'automne 2014.

Dans les jours suivant l'élection du nouveau gouvernement libéral, Yves Bolduc a toutefois annoncé qu'il allait retarder sa mise en place afin de prendre le temps d'évaluer s'il y avait lieu de l'implanter ou pas.

Le CSE est constitué de 22 membres nommés par le gouvernement et issus du monde de l'éducation ou d'autres secteurs d'activité de la société québécoise.