Aux quatre coins du Québec, les uns après les autres, quelque 1800 jeunes défilent annuellement dans un YMCA après avoir été expulsés de leur école pendant quelques jours. En cette semaine de la persévérance scolaire, regard sur ce programme destiné à prévenir le décrochage scolaire.

Est-ce la faute de Félix-Antoine si son école n'est pas à la bonne heure, celle de son iPhone et de l'aéroport?

Est-ce la faute de William si on l'a traité de «fils de pute» à répétition et s'il a été appelé à se battre trois fois en huit jours pour défendre sa réputation?

Est-ce la faute de Lyssa si elle a le malheur d'être assise tout à côté de son enseignante qui, de ce fait, voit ses moindres gestes?

Est-ce la faute de cet autre William si son directeur d'école est toujours sur son dos?

Ils ne le savent pas, ces élèves-là, mais leurs excuses sont on ne peut plus classiques, à entendre Sonia Gabriel, intervenante jeunesse au YMCA.

«C'est souvent la faute du prof ou du directeur!», lance-t-elle.

L'idée de départ du programme Alternative suspension, comme l'explique son directeur Étienne Pagé, c'est qu'il n'est pas utile de suspendre un élève si c'est pour le gratifier au final de cinq jours d'école buissonnière.

Les adolescents en cause ne sont pas des délinquants purs et durs, «mais bien des jeunes qui sont souvent sur la pente descendante ou qui ont juste besoin d'un électrochoc», dit Étienne Pagé.

«Je tiens à ma réussite scolaire», dira d'ailleurs Félix-Antoine.

«Je veux aller à l'université, dit Lyssa. J'aimerais être pédiatre.»

Tout en disant «haïïïïïr l'école», William Hudon a quand même un but très précis. «Je veux me rendre en 3e secondaire, faire mon DEP et devenir mécanicien automobile. Ce qui m'intéresse, moi, c'est tout ce qui est moteur.»





Des jeunes mécontents

Bien sûr, une petite semaine ne suffit pas «à leur faire pousser une paire d'ailes d'ange dans le dos», signale Étienne Pagé.

Non, le YMCA, «ce n'est pas un lave-auto», renchérit l'intervenante Sonia Gabriel.

Pendant cette semaine-là, il se passe néanmoins des choses. Des choses que les jeunes n'aiment pas. Le matin, les voilà contraints à faire des devoirs de façon intensive, dans de tout petits groupes où ils sont surveillés de près comme jamais. L'après-midi, c'est plus désagréable encore. Ils doivent se fendre d'une introspection, d'un petit voyage au fond d'eux-mêmes sous forme d'atelier de type gestion de la colère 101.

Ce n'est peut-être pas un camp de redressement, mais pour les jeunes, c'est tout comme.

«Je ne sais pas pourquoi, mais il y a beaucoup de préjugés chez les jeunes à propos de ce programme, dit Julie Dessureault, directrice adjointe à l'école Joseph-François-Perreault. Ils ne sont pas contents quand on les y envoie et même s'ils finissent par apprécier leur séjour là-bas, ils sont contents de revenir à l'école, de retrouver leurs amis et de ne plus avoir toutes ces rencontres individuelles avec des intervenants.»

En riant, Julie Dessureault lance qu'elle est une «très bonne cliente» de ce programme où elle dirige normalement entre huit et dix élèves par an.

Ce séjour au YMCA n'est pas seulement bénéfique aux jeunes, croit-elle.

«Cela donne aussi une petite pause aux enseignants et aux élèves.»

Mais ce qui est amusant, c'est qu'au YMCA, les élèves se retrouvent parmi leurs semblables, à être eux-mêmes dérangés par plus dérangeants qu'eux. Ils finissent par se voir à travers le groupe, à voir ce qu'ils font subir à leurs camarades tous les jours.

L'intervenante Sonia Gabriel, qui raconte avoir elle-même échoué à sa 2e secondaire et avoir été très turbulente, fait comprendre aux élèves que l'échec n'est pas une fatalité. Malgré de mauvais départs, ils peuvent se reprendre comme elle l'a fait elle-même en finissant par réussir très bien sa vie.

Ce qu'elle ne dit peut-être pas trop fort devant eux, cependant, c'est qu'elle n'est pas dupe. «C'est clair que l'école, ce n'est pas fait pour tout le monde.»