La fermeture de trois écoles primaires à cause des moisissures dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve et le déménagement des élèves dans un autre quartier est une «catastrophe» sur laquelle les élus ferment les yeux, affirme le Dr Gilles Julien.

«On a une cohorte d'enfants qui sont à peu près sacrifiés», dénonce le pédiatre social, visiblement désemparé. Il s'explique mal l'indifférence généralisée dans laquelle semble se vivre la situation d'Hochelaga-Maisonneuve.

Le centre Assistance d'enfants en difficulté du Dr Julien est situé dans la rue Adam, à quelques jets de pierre des écoles condamnées. Depuis que les élèves sont transportés en autobus dans les écoles secondaires Louis-Riel et Édouard-Montpetit, à plusieurs kilomètres, les choses ont changé.

«On n'est plus capable de donner des services à ces enfants comme on le faisait», dit-il.

Le contact avec les écoles est pratiquement rompu. Quand les élèves fréquentaient les écoles du quartier, les enseignants pouvaient témoigner de ce qui se passait en classe. Ils parlaient au Dr Julien et à son équipe des difficultés scolaires d'un enfant, de ses problèmes familiaux ou de ses lacunes pour socialiser avec les autres.

Les parents, qui ne se rendent plus dans la cour d'école pour chercher leurs enfants et discuter avec les enseignants, sont aussi moins bien informés.

Le Dr Julien n'a plus tous les renseignements nécessaires. Le contact avec la communauté, qui permet de connaître la situation d'un enfant, mais aussi de sa famille, est pourtant la base de la pédiatrie sociale.

Ce qui désespère le Dr Julien, c'est qu'à court terme, la situation risque de ne pas s'améliorer. Il faudra compter au minimum quatre ans avant que l'école Baril ne soit démolie et reconstruite. Les élèves ne seront pas de retour avant.

On ignore toujours ce qu'il adviendra des écoles Hochelaga et Saint-Nom-de-Jésus.

Dans un quartier défavorisé comme Hochelaga-Maisonneuve, où de nombreux enfants vivent dans une situation de grande vulnérabilité, ces années représentent une éternité.

«Les 30% d'enfants qu'on échappe au Québec, c'est cette clientèle-là et maintenant, on les laisse aller complètement. Pour moi, c'est un désengagement d'une société irresponsable de ses enfants», dénonce le Dr Julien.

Pour des enfants en situation de vulnérabilité, l'école devient souvent un phare. Un point d'ancrage. Mais les enfants d'Hochelaga-Maisonneuve ont aussi perdu ce repère. Ils sont déracinés de leur école, de leur quartier. Ils doivent s'habituer aux remplaçants, parce que leurs enseignants sont malades en raison des moisissures.

C'est une perte de sécurité importante, estime le Dr Julien. Les élèves qui éprouvent des difficultés d'apprentissage graves risquent d'être plus touchés. L'impact sur la motivation et les résultats scolaires vont s'en ressentir, prédit-il.