Les universités subiront d'autres compressions au cours de la prochaine année afin de permettre au gouvernement d'atteindre l'équilibre budgétaire, a confirmé le ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, jeudi. Elles auront droit à un réinvestissement par la suite seulement.

Le flou entourant le financement des universités s'est épaissi un peu plus à l'ouverture de la troisième rencontre thématique en prévision du Sommet sur l'enseignement supérieur des 25 et 26 février. Elle se tient à Sherbrooke et porte sur la gouvernance et le financement des universités.

Le gouvernement a déjà demandé aux universités de sabrer 124 millions de dollars d'ici la fin de l'année financière, fin mars. Or, lors d'une rencontre lundi, la première ministre Pauline Marois et Pierre Duchesne ont signalé aux recteurs que des coupes seront faites également pour l'année 2013-2014. « On nous a dit qu'il y aurait d'autres compressions, mais on n'a pas le niveau », a confirmé le président de la Conférence des recteurs et des principaux du Québec, Daniel Zizian. Pierre Duchesne est demeuré tout aussi évasif en conférence de presse jeudi. « On n'a pas la précision à ce moment-ci » quant au montant des compressions, a-t-il affirmé. « On a une période à vivre de 16 mois pour arriver au déficit zéro. Par la suite, ce sera une autre logique. » Il n'a pas voulu dire non plus si les coupes de 124 millions seront récurrentes, une perspective « fort préoccupante » pour la CREPUQ. « Est-ce que ce sera récurrent en entier ou en partie ? Il faudra voir », s'est contenté de dire M. Duchesne.

Un sous-financement de 300 millions de dollars, selon Pierre Fortin

Le ministre s'est engagé à réinvestir 1,7 milliard dans les universités de 2013 à 2019, mais son calcul ne tient pas compte des compressions. La CREPUQ a déjà fait savoir que cette somme est insuffisante. Elle chiffre à 850 millions le sous-financement des universités québécoises par rapport à leurs consoeurs des autres provinces canadiennes pour l'année 2009-2010.

L'économiste Pierre Fortin a analysé les chiffres des recteurs et a fait sa propre étude. Selon lui, ils ont surestimé le sous-financement. « Il n'est pas de 850 millions. Il est de l'ordre de 300 millions. 850 millions, comme diraient mes enfants, c'est un peu too much », a-t-il affirmé à des journalistes jeudi soir, à Sherbrooke. Il a entre autres relevé que le coût de la vie est plus faible au Québec que dans les autres provinces, une donnée dont les recteurs ne tiennent pas compte. L'étude de la CREPUQ est-elle biaisée ? « Quand le président de la FTQ négocie avec Bombardier, il ne demandera pas en dessous de ce qu'il recherche. Il va demander plus », a-t-il répondu.

Pierre Fortin a précisé que c'est la directrice de cabinet de M. Duchesne, Esther Gaudreault, qui l'a invité à participer à la rencontre thématique. Rappelons que l'économiste était panelliste lors de la précédente rencontre thématique, à Trois-Rivières. Il a alors plaidé en faveur d'une indexation des droits de scolarité, l'option que privilégie le gouvernement Marois.

Par ailleurs, Pierre Duchesne s'est dit prêt à revoir la formule de financement des universités, adoptée en 2000 par François Legault, alors ministre péquiste. « Actuellement, à 100 %, on finance selon le nombre d'étudiants, par tête de pipe. Il y en a qui commence à dire que ça amène un peu d'effets pervers », a-t-il affirmé. À titre d'« effets pervers », il a évoqué « une course à la clientèle, une surmultiplication de programmes, des délocalisations » de campus. « Peut-être qu'il faut songer à remettre (la formule) en question. Et un sommet est un bon moment pour le faire », a-t-il indiqué. Il n'a pas précisé la formule qu'il privilégierait.

Selon lui, « il n'y a rien d'illégal » à ce que les universités puisent dans leur fonds de fonctionnement, destiné à l'enseignement, pour financer des immobilisations. Il voudrait toutefois rendre « plus transparent » le financement des universités. La Fédération étudiante universitaire du Québec, qui déplorait auparavant le sous-financement, croit avoir été berné et accuse les recteurs d'avoir détourné des fonds. La CREPUQ a défendu les virements de fonds en conférence de presse en plaidant que ceux-ci respectent les règles gouvernementales.