La rectrice de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Johanne Jean, a profité de la tribune que lui procurait la rencontre de consultation sur l'enseignement supérieur, vendredi, pour lancer un cri d'alarme au sujet des compressions de 124 millions imposées aux universités par le gouvernement Marois.

Devant une centaine de représentants du milieu universitaire, mais aussi du gouvernement, elle a fait une parenthèse dans son discours pour déplorer l'impact qu'auront les coupes à réaliser d'ici quatre mois. Le ministre Pierre Duchesne n'était pas dans la salle à ce moment.

Elle prononçait une allocution l'accessibilité des études au nom du réseau de l'Université du Québec, qui regroupe neuf établissements.

«Les compressions annoncées, a-t-elle dit, vont nous obliger à faire des choix dans l'offre de programmes, en particulier les programmes dans lesquels on accueille un petit nombre d'étudiants. Par exemple, le baccalauréat en enseignement secondaire des mathématique et du français, le baccalauréat en sciences comptables ou encore l'offre de formation aux communautés des Premières Nations. On amplifie ainsi la problématique de la disponibilité et de la relève de main-d'oeuvre qualifiée en Abitibi-Témiscamingue.» 

À l'Université du Québec en Outaouais, l'ouverture de plusieurs nouveaux programmes «qui viennent tout juste d'être approuvés» est remise en question, selon elle. «Je ne peux pas croire que, collectivement, c'est ce qu'on souhaite comme développement de l'éducation au Québec», a laissé tomber Mme Jean.

Les participants à la rencontre sont appelés à donner leur point de vue sur l'accessibilité des études et les droits de scolarité. 

Sans surprise, l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) a fait un plaidoyer pour la gratuité scolaire. Elle calcule que cette mesure coûterait 668 millions de dollars et pourrait être financée par une hausse des impôts des particuliers et des entreprises. Elle réclame également un système de bourses «afin de réduire au maximum les iniquités». Il faut abolir l'endettement étudiant, a-t-elle ajouté.

La présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec, Éliane Laberge, a réclamé le gel des droits «dans une perspective de gratuité scolaire». «Il y a encore beaucoup à faire» pour assurer l'accessibilité des études supérieures, a-t-elle soutenu.

Les syndicats ont donné leur appui aux étudiants. «La gratuité scolaire devrait être établie à tous les ordres d'enseignement, a déclaré le trésorier de la CSN, Pierre Patry. À court terme, minimalement, ça veut dire un gel.» Cette mesure préserverait selon lui l'accessibilité des études. Quant à l'indexation préconisée par le gouvernement, c'est une menace à l'accessibilité, a renchéri la présidente de la fédération des enseignants, Caroline Senneville.

Mario Beauchemin, de la CSQ, a soutenu qu'une indexation ou une hausse brutale «pourrait freiner l'élan de scolarisation aux études supérieures» et «aurait un effet néfaste important». Selon lui, les étudiants ont déjà fourni un effort avec la hausse de 100$ par année entre 2007 et 2012. «Ce qu'on propose, c'est un gel des droits dans une perspective de gratuité scolaire», a dit M. Beauchemin. Il plaide également pour la bonification du régime de prêts et bourses.

Dans son mémoire, l'Université du Québec cite en revanche une étude selon laquelle, au Canada, «globalement, la hausse des droits de scolarité, parfois substantielle, n'a pas été accompagnée d'une baisse de la fréquentation». En entrevue à La Presse, sa présidente, Sylvie Beauchamp, n'a pas voulu dire à combien devraient être fixés les droits de scolarité. Elle croit toutefois que la hausse qu'avait décrétée le gouvernement Charest, de 254$ par année, «c'était beaucoup ». À ses yeux, «l'indexation maintiendrait la situation actuelle» puisque les étudiants paieraient toujours, année après année, la même part du coût de leur formation. «Le gel est une diminution de la contribution étudiante», a-t-elle fait valoir.

La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) a pour sa part plaidé pour une hausse des droits de scolarité. «C'est important de ne pas associer une augmentation des droits de scolarité avec une diminution de l'accès», a dit son porte-parole, François Vincent. Il a ajouté que l'éducation est un «investissement», faisant valoir les «gains futurs» des diplômés au chapitre des revenus.