Le nombre d'enseignants non qualifiés continue d'augmenter dans les écoles, et ceux qui choisissent de retourner aux études pour obtenir leur brevet tout en enseignant à temps plein se butent à un véritable chemin de croix.

Pour faire face à la pénurie d'enseignants dans plusieurs matières, le ministère de l'Éducation délivre chaque année des centaines de «tolérances d'engagement». Il s'agit de permis exceptionnels délivrés à des titulaires de classe, souvent spécialisés dans un domaine (anglais, mathématiques, espagnol), mais qui n'ont pas suivi de formation des maîtres et qui ne détiennent pas de brevet d'enseignement.

Le Ministère veut réduire le nombre de tolérances d'engagement accordées. Il y en avait 2878 en 2007-2008. On en comptait 2010 en 2011-2012.

Pour enrayer le problème des enseignants non qualifiés, le Ministère oblige un certain nombre d'entre eux à retourner sur les bancs d'école pour suivre des cours en pédagogie et en formation des maîtres afin d'obtenir leur brevet d'enseignement.

Ces enseignants, souvent titulaires de classe et permanents depuis plusieurs années dans les écoles, doivent étudier tout en travaillant. Le ministère leur délivre une «autorisation provisoire d'enseigner» le temps qu'ils terminent des études.

C'est ce type de permis qui a explosé au cours des dernières années. En cinq ans, le nombre de nouveaux détenteurs est passé de 507 à 771 - un chiffre qui ne tient pas compte des renouvellements.

Environ 11% des enseignants qui détenaient une autorisation provisoire d'enseigner en 2010-2011 bénéficiaient, l'année précédente, d'une tolérance d'engagement.

Pour ces enseignants, le chemin vers l'obtention d'un brevet est long et semé d'embûches.

Mélanie Tremblay en sait quelque chose. Détentrice d'un baccalauréat en études hispaniques, elle enseigne l'espagnol depuis 2001 dans une école secondaire de la région de Québec. Elle a même obtenu sa permanence en 2008. Les écoles peinent à trouver des enseignants d'espagnol, souligne Mme Tremblay.

Mais pour le Ministère, elle n'est pas qualifiée. «Je n'avais pas fait mon baccalauréat avec l'intention de devenir enseignante. Une école cherchait un professeur d'espagnol, et j'ai adoré la profession», raconte-t-elle.

En 2003, Mme Tremblay est retournée aux études pour obtenir un certificat en pédagogie. En 2005, le Ministère l'a informée que ce n'était plus suffisant et qu'elle devait faire un deuxième baccalauréat.

Sept ans plus tard, Mme Tremblay est toujours aux études. «Les cours se donnent presque toujours le jour et moi, je travaille. J'ai ma classe», explique-t-elle.

«Pour l'instant, je profite de mon congé de maternité pour essayer de compléter les cours qui se donnent seulement le jour», explique Mme Tremblay, mère d'un bébé de cinq mois.

Même si elle a reçu et supervisé des stagiaires dans sa classe au fil des ans, Mme Tremblay devra aussi faire des stages. L'hiver prochain, elle devra prendre un congé sans solde pour faire un stage de cinq semaines dans une école primaire. Elle a toutefois obtenu l'autorisation de faire son dernier stage, qui dure 12 semaines, dans sa classe. Mais elle devra être évaluée par ses collègues.

Mme Tremblay déplore la rigidité du Ministère. La problématique perdure depuis des années et touche bon nombre d'enseignants, rappelle-t-elle. Plusieurs se découragent. «C'est dommage que notre expérience ne soit pas reconnue. On nous engage, on fait un bon travail. Les élèves, les parents et mes collègues m'apprécient, mais personne n'en tient compte.»

Bien que le ministère de l'Éducation soit conscient de cette problématique, ce sont les universités qui sont responsables des modalités de la formation, explique Esther Chouinard, porte-parole du Ministère.

Quant à la tolérance d'engagement, elle «ne peut être sans cesse renouvelée. Si un titulaire d'une tolérance d'engagement désire poursuivre sa carrière d'enseignant, celui-ci sera invité à suivre une formation d'enseignant», précise-t-elle.