La moitié des projets soumis dans le cadre de l'attribution de 15 000 nouvelles places à 7$ dans les services de garde ont été écartés d'entrée de jeu par le ministère de la Famille, sans être évalués par les comités consultatifs régionaux, a appris La Presse.

Ces comités formés de représentants des services de garde et de personnes issues des milieux communautaires, de l'éducation et de la santé ont le mandat d'évaluer les projets. Ils doivent faire leurs recommandations à la ministre de la Famille, Yolande James, qui s'est engagée à sélectionner les projets qu'ils auront retenus.

Or, entre 40% et 60% des projets, selon les régions, ont été rejetés sans même passer entre les mains de ces comités.

«C'est une décision arbitraire», dénonce le directeur général de l'Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE), Louis Sénécal.

«Le Ministère a choisi d'écarter des projets qu'il jugeait non admissibles alors que dans la loi, rien ne permet au Ministère de les écarter de l'évaluation des comités régionaux», affirme-t-il. Cette décision a soulevé un tollé dans le milieu.

Au ministère de la Famille, on confirme que 1143 projets, soit 51% au total, ont été jugés non admissibles. Devant l'ampleur de la situation, le Ministère a révisé sa position.

«On s'est rendu compte qu'il y avait une problématique avec les projets jugés non admissibles, explique Olivier Duchesneau, attaché de presse de la ministre James. Compte tenu de la quantité de projets [refusés], il est apparu évident aux yeux de tout le monde au Ministère, y compris la ministre, que les comités devaient avoir accès à tous les dossiers.»

Trop tard

Un comité de révision a été mis en place. S'il annule la décision, les comités consultatifs ont ensuite la possibilité, s'ils le souhaitent, d'étudier un projet qui avait été initialement classé non admissible, explique le porte-parole du ministère de la Famille, Étienne Gauthier.

«Si les comités consultatifs le jugent nécessaire et veulent le faire, ils peuvent le faire», précise-t-il.

La ministre James a fait, la semaine dernière, les premières annonces concernant les projets retenus dans six régions. Même si les comités consultatifs en ont eu la possibilité, aucun n'a souhaité revoir les projets non admissibles, ajoute M. Gauthier.

La réponse est simple, rétorque la directrice générale du Regroupement des CPE de la Montérégie, Claudette Pitre-Robin. Les comités ne souhaitent pas reprendre leur travail à zéro, particulièrement dans les régions où les demandes de projet sont nombreuses, ce qui est le cas en Montérégie.

Même si les annonces concernant les projets retenus ne sont pas encore faites partout, il est trop tard pour plusieurs gestionnaires de CPE et de garderie, ajoute-t-elle.

«Certains comités ne veulent pas reprendre le travail. Il y a des régions où les gens vont accepter, mais d'autres pas, notamment en Montérégie. C'est aléatoire», souligne Mme Pitre-Robin en rappelant que les membres des comités sont pour la plupart des bénévoles.

Critères de non-admissibilité montrés du doigt

Les critères de non-admissibilité suscitent la colère des gestionnaires. Le tiers des projets ont été écartés pour des considérations administratives.

Un projet a ainsi été écarté parce qu'il manquait une signature sur l'une des huit copies du projet qui devaient être remises. Des dossiers ont été rejetés, car ils sont arrivés au Ministère quelques minutes après l'heure limite. Un autre encore a été rejeté parce que le chèque a été libellé au nom du ministère de la Famille au lieu du ministère des Finances.

Le Ministère reconnaît avoir été surpris par le nombre de demandes non admissibles en raison de critères administratifs. «Ces chiffres nous ont surpris et aussi un peu déçus. Les demandeurs avaient quatre mois pour préparer et soumettre leur demande. Les règles d'admissibilité étaient connues d'avance», fait valoir le porte-parole, Étienne Gauthier.

Plusieurs projets ont aussi été écartés parce que les demandeurs avaient déjà fait l'objet de manquements lors d'une inspection de leurs services de garde.

Une politique critiquée puisqu'elle favorise les nouveaux promoteurs qui ne gèrent pas actuellement de garderies ou de CPE et qui, par conséquent, n'ont jamais fait l'objet d'une inspection, souligne le directeur général de l'AQCPE, Louis Sénécal. «Ils n'ont pas à montrer patte blanche.»

C'est de la discrimination, estime la directrice générale du Regroupement des CPE de la Montérégie, Claudette Pitre-Robin. «À partir du moment où un critère ne peut s'appliquer à tout le monde, on le trouve discriminatoire. On est en train de perdre le sens même de la démarche, qui est de choisir des projets qui répondent le mieux aux besoins des familles.»

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Éviter le cauchemar de 2008

La ministre de la Famille, Yolande James, a promis plus de transparence dans l'attribution de 15 000 nouvelles places en service de garde. Pas question de revivre le cauchemar de 2008. 

Dans un récent rapport, le vérificateur général a critiqué le gouvernement pour avoir manqué de rigueur et «laissé une trop grande place à la subjectivité». Lors de l'attribution de 18 000 places à 7$, en 2008, la ministre de l'époque, Michelle Courchesne, est allée à l'encontre des recommandations des fonctionnaires pour 21% des projets retenus. 

Certains d'entre eux provenaient de donateurs libéraux. Cette fois, des comités consultatifs ont été mis en place dans chaque région pour évaluer les projets. Mme James s'est engagée à sélectionner tous les projets qui lui seront recommandés.