Le gouvernement Charest a annoncé jeudi une bonification de 21 millions de dollars du programme de prêts et bourses dans l'espoir de convaincre les étudiants en grève de reprendre les classes. Il refile la facture aux universités.

> En vidéo: les écoles secondaires sont maintenant ciblées

Québec entend également instaurer un mode de remboursement des dettes d'études proportionnel au revenu à compter de l'automne 2013, une idée proposée par l'aile jeunesse de son parti puis par la Coalition avenir Québec.

En conférence de presse, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, et son collègue des Finances, Raymond Bachand, ont présenté deux modifications au programme de prêts et bourses. Aucune contribution parentale ne sera dorénavant prise en compte dans le calcul de l'aide financière jusqu'à un revenu familial de 60 000$. Et les étudiants dont le revenu des parents ne dépasse pas 100 000$ auront droit à un prêt permettant «généralement» de couvrir les droits de scolarité et le coût du matériel scolaire (en 2016-2017, le prêt atteindra 4525 $).

Ces bonifications seront en vigueur dès l'automne 2012. Elles feront en sorte que des prêts additionnels seront accordés à plus de 50 000 étudiants annuellement, estime le gouvernement. Elles coûteront 21 millions de dollars à terme, en 2016-2017.

Le gouvernement a décidé de réduire d'autant le financement des universités, qui devront se tourner vers le mécénat et la philanthropie pour compenser.

Il n'était pas question «d'ajouter un fardeau à la classe moyenne», a fait valoir Mme Beauchamp. «Je pense que les contribuables font leur part.»

À terme, en 2016-2017, le financement des universités sera tout de même rehaussé de 947 millions - ce qui comprend les revenus tirés de la hausse des droits de scolarité, a renchéri Raymond Bachand.

Quant au remboursement proportionnel au revenu (RPR), le gouvernement fera une proposition au comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études. Des consultations auront lieu.

Line Beauchamp est consciente du fait que cette annonce ne satisfera pas les associations étudiantes qui demandent le gel des droits de scolarité; la FEUQ et la CLASSE ont déjà envoyé des signaux en ce sens. Mais elle estime que le gouvernement démontre sa «bonne foi» pour assurer l'accessibilité des études.

Elle estime que le gouvernement s'est montré ouvert au dialogue dans les derniers jours. Le 27 mars, le premier ministre Jean Charest a pour la première fois ouvert la porte à une bonification du programme de prêts et bourses. Selon Mme Beauchamp, le gouvernement avait la responsabilité de présenter des bonifications pour tenter de «dénouer la situation». «C'est un geste responsable qui répond à une inquiétude» de la population, a-t-elle dit.

Mais sur la hausse des droits de scolarité de 75% en cinq ans, «nous sommes fermes», a-t-elle réitéré.

Rappelons que Québec a déjà annoncé une bonification de 118 millions de dollars des prêts et bourses d'ici à 2017-2018.

Réaction froide des étudiants

La présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins, accuse le gouvernement de faire une manoeuvre «préélectorale». «Le gouvernement ajoute des prêts. Ça ajoute de l'endettement», a-t-elle déploré. Elle accueille froidement l'instauration d'un RPR.

Gabriel Nadeau-Dubois, de la CLASSE, reproche au gouvernement de présenter «un endettement supplémentaire» comme une «solution à l'accessibilité» des études.

Le PQ dénonce l'improvisation

Pour le Parti québécois, cette annonce «ressemble totalement à de l'improvisation». La critique en matière d'enseignement supérieur, Marie Malavoy, a rappelé que le 12 janvier 2005, le ministre de l'Éducation, Pierre Reid, avait annoncé l'instauration d'un RPR dès l'automne suivant dans l'espoir de calmer la grogne soulevée par les compressions de 103 millions de dollars dans le régime de prêts et bourses. Son successeur, Jean-Marc Fournier, avait finalement mis de côté cette proposition pour créer un mode de remboursement différé des dettes d'études - qui restera toujours en place.

Selon Mme Malavoy, le gouvernement libéral «fait semblant d'ouvrir une porte, mais il sert du réchauffé».

QS fustige Line Beauchamp

Ce n'est «rien d'autre qu'une proposition pour endetter davantage les étudiants», a fustigé Amir Khadir. Selon lui, la ministre Beauchamp leur a offert rien de plus qu'un «chocolat de Pâques». Selon le député de Québec solidaire, le gouvernement libéral veut faire croire qu'il n'a pas d'autre choix pour financer les universités. Or, en éliminant la taxe sur le capital pour les institutions financières, on dégagerait 550 millions, souligne-t-il.

M. Khadir invite les étudiants à «rester ferme» pour faire «plier» le gouvernement, comme pour la demande d'une enquête sur l'industrie de la construction.